Une femme erre, désespérée, affamée, assoiffée. Chaque jour peut être le dernier si elle ne trouve pas de quoi assurer sa survie. D’elle, on connaît son prénom -Jacqueline-, son pays d’origine -le Libéria. Elle a atterri à Santorin, grâce à l’aide de son ex-fiancé, qui lui a offert ce billet d’avion comme cadeau d’adieu. Il est clair qu’elle a vécu un drame, qu’elle n’a plus de famille, et que cette île qu’elle arpente, oscillant entre la vie ou la mort, est devenue sa nouvelle patrie. Même si elle a fui son passé, elle n’échappe pas à sa mémoire, incarnée par la voix de sa mère qu’elle entend et avec laquelle elle converse. Cette histoire signée d’Alexander Maksik, un Américain qui fut professeur de littérature à Paris, est née de plusieurs sources. De rencontres, lorsqu’il piétinait à la préfecture de police pour renouveler son visa, mais aussi de ses lectures de Russell Banks (« American darling »), de Helene Cooper (« La maison de Sugar Beach »), et d’un film, « Liberia an uncivil war » qu’il a regardé en boucle. Au fil des pages, Jacqueline va peu à peu évacuer sa terreur, sortir de sa tannière et raconter son histoire. Elle était la fille d’un proche du président Taylor, qui sera condamné pour crimes contre l’humanité. Elle a vécu une jeunesse dorée avant de se retrouver seule, paria, survivante malgré elle, mais si peu… Ce récit au jour le jour d’une exilée, sans attaches, sans argent, sans désir, mais toujours digne, est d’une grande force. « J’ai toujours été touché par les histoires de gens qui quittent tout », explique Alexander Maksik. « Et surtout, je n’ai jamais compris la colère que l’on pouvait avoir contre ces immigrés. » Un roman plus que jamais dans l’actualité.