Singulier portrait de l’apôtre de la non-violence que dresse Gilbert Sinoué dans cette « Nuit de Maritzburg »: un être d’une autorité despotique mais surtout un homme amoureux. Mohandas Karamchand Gandhi exerce la profession d’avocat en Afrique du Sud où il vit avec sa famille depuis plus d’une dizaine d’années lorsqu’il rencontre, Hermann Kallenbach, un architecte juif allemand talentueux et réputé. L’entente entre les deux hommes est immédiate. Eclot alors une passion totale.
En ces années 1903-04, l’Afrique du Sud n’a pas les contours politiques qu’elle possède aujourd’hui. Quatre colonies la composent : le Cap, le Natal et depuis la signature en 1902 du traité de Vereeniging, l’Etat libre d’Orange et le Transvaal. Les Britanniques et la Guerre des Boers sont passés par là. En prohibant toute union entre femmes blanches et hommes de couleur,
le Transvaal prône la ségrégation raciale mais fait un pas supplémentaire en souhaitant instituer le « Black Act » ou Loi Noire selon laquelle « tous les Indiens de cette colonie doivent se faire enregistrer en donnant leurs empreintes digitales. Ils sont également dans l’obligation d’avoir sur eux un certificat et de le produire sur demande sous peine d’amendes, d’emprisonnement voire de déportation. » Mesures qui ressemblent étrangement à celles édictées plus tard par l’Allemagne Nazie à l’encontre de la communauté juive.
Gandhi ne peut que se dresser contre cette disposition inique qu’il va affronter avec une arme redoutable : « l’ahimsa » ou « le refus absolu de la violence », la résistance passive. Dans cette confrontation avec le pouvoir, il entraîne sa famille, Hermann et des milliers d’Indiens, corseté dans un engagement de fer. Personne de son entourage ne résistera à son emprise implacable. Il fourbit en fait ses armes avant son grand combat contre l’empire britannique, qui verra l’Indépendance de l’Inde mais aussi sa partition avec le Pakistan.
S’appuyant sur des documents authentiques et méconnus, lettres brûlantes des deux protagonistes, Gilbert Sinoué présente une facette inattendue de Gandhi juste avant qu’il ne devienne cette icone politique, « Le Mahatma ». Très vivant et incarné, ce document prend des allures romanesques et présente au plus près la lutte politique, la personnalité de ces deux hommes unis par une relation fusionnelle, évoquée avec pudeur et délicatesse et le talent de Gilbert Sinoué nous donne l’impression de vivre dans l’intimité de Gandhi le temps de ces 450 pages.