Billet très difficile à rédiger. Non pas parce que l’auteur, Astrid Manfredi, est une blogueuse qui tente le passage derrière une plume beaucoup moins virtuelle. Non pas parce que je l’ai croisée une fois en vrai et parfois sur un célèbre réseau social… Mais parce qu’il y a une vraie plume efficace derrière ce récit. Et une vraie structure romanesque faite d’allers et retours entre passé et présent, entre actes criminels de la Petite Barbare qui l’ont conduite en prison et sa détention à proprement parler. Et parce que j’aurai aimé qu’elle développe un peu plus certains aspects de l’histoire comme sa relation aux hommes (j’y reviendrai). La Petite Barbare est celle qui a attiré Ilan Halimi dans ses filets avant de le laisser se faire tabasser à mort part ses geôliers. Astrid Manfredi s’est en tout cas librement inspirée de ce fait divers pour raconter son histoire. La Petite Barbare se dévoile, ou presque pas, à travers ces quelques pages. Elle fait constamment un pas en avant et deux en arrière par peur d’en dire trop, par crainte de se mettre à nu, elle qui a fait de son corps un objet de conquête. Et c’est là qu’interviendrai mon seul bémol. La Petite Barbare ne part pas à la conquête d’un homme ou des hommes. Elle part à la conquête d’une chimère, ce dont d’ailleurs elle se rend parfaitement compte : elle sait bien qu’elle n’a pas de rêves qu’elle pourrait rendre concrets par ses actes. Elle arnaque donc sans but, sans espoir de concrétisation, sans évolution possible. C’est toute la limite de la Petite Barbare et la profondeur de sa faute. Est-ce simplement pour elle l’aveu d’avoir conscience d’être vouée à rester toujours la même ? Est-ce un aveu de faiblesse ? Y a-t-il donc une fatalité qui pousse le personnage de ce livre à ne croiser sur sa route que des hommes qui la mèneront un peu plus loin sur le chemin de la criminalité ? Ou est-ce son attitude vis-à-vis des hommes, vus comme des instruments pour tenter de s’élever envers et contre tout (ou tous ?), qui provoque invariablement les rencontres du même type ? Astrid Manfredi aurait pu, à mon goût, creuser un peu plus cet aspect-là de la psychologie de sa Petite Barbare. Pour le reste, Astrid Manfredi possède un véritable souffle rageur qui passe dans le récit de cette adolescence à la dérive, de ce cri poussé par la Petite Barbare à l’encontre de son entourage, d’abord, familial et social, de la société ensuite qui place les gens dans des cases hermétiques. On sent toute la tension, et toutes les contradictions, qui peuvent cohabiter dans le corps et l’esprit de la Petite Barbare, sorte d’épouvantail placée devant nous pour nous effrayer, au même titre que l’horrible ogre qui viendra nous pourchasser si on en fait pas bien ses devoirs ou si on ne mange pas correctement sa soupe. La Petite Barbare est tout un symbole d’une certaine jeunesse qui n’a plus de repères ou qui en tout cas s’est forgé ses propres repères, viciés, déformés, à la marge et où la religion peut trouver un terreau fertile parce que la société, par définition laïque chez nous, ne propose plus l’exutoire indispensable aux pulsions de ces êtres sans cadre. Malgré le fait qu’Astrid Manfredi ait rendu, volontairement ou pas, sa Petite Barbare, non pas sympathique, ce serait trop fort, mais touchante, il ne s’agit pas d’un roman ayant pour raison d’être la justification des actes du Gang des Barbares mais de démontrer qu’on est aussi et avant tout la victime de ses propres errements, de ses propres hésitations, sans pour autant excuser les crimes odieux perpétrés. A travers le récit d’Astrid Manfredi, la Petite Barbare n’essaye d’ailleurs jamais de se justifier mais de décrire simplement le processus qui a aboutit à la perte de tous repères, de toutes valeurs, de toute estime de soi. Bonne lecture…