Plonger dans les journaux d’écrivains, ceux de Matthieu Galey par exemple, de l’Abbé Mugnier, de Roger Martin du Gard, ou encore de Françoise Giroud, permet de ressentir les bruissements d’une époque et d’un milieu sans jamais s’ennuyer. Talent d’observation et sens aigu de la formule donnent tout leur intérêt à ces textes. Avec « La récréation », Frédéric Mitterrand prouve une nouvelle fois qu’il est aussi un bon auteur. En 2005, il nous avait émus avec son sulfureux « La mauvaise vie », récit sensible mais parfois dérangeant d’une vie solitaire et de ses penchants pour les amours pré-pubères. Aujourd’hui il nous régale avec le journal comico-sensible de ses années au ministère de la Culture sous l’ère sarkozyste, de sa prise de fonction maladroite en 2009 jusqu’à la défaite de « son » champion en 2012. Son livre pourrait être sous-titré: « Frédéric Mitterrand ou la plongée d’un humaniste au pays du pouvoir politique ». On a du mal à lâcher cet ouvrage qui vaut autant pour la description minutieuse du quotidien extrêmement chargé d’un ministre, que pour la chronique de la drôle de vie de Cour sous les ors des palais de la République. D’une formule, il escagasse ou s’enflamme. Ainsi, au fil de ce voyage sensible, on éclate souvent de rire et on aime sa façon légère et pleine d’esprit de relater ses rencontres en s’attachant souvent à la séduction physique de ses interlocuteurs dans ce jeu du pouvoir. Peu en sortent grandis. Il brosse des portraits sans concession de tous les mandants à l’égo surdimensionné du monde culturel, mais il ne s’épargne pas davantage. Ce sympathique « Rantanplan », comme il se surnomme lui-même, n’hésite jamais à raconter ses faux pas, ses maladresses ou ses déboires comme son lynchage inattendu à la Fête de l’Humanité. On a la sensation de découvrir l’envers du décor avec beaucoup d’humanité, notamment grâce à de belles descriptions de la solitude du pouvoir et de la violence des rapports entre les gens. Mais fort heureusement ces années « à part » ont aussi donné lieu à quelques belles rencontres et à des soutiens inattendus. Comme l’a exprimé l’auteur à propos du choix de ce titre, cette « récréation » est aussi à mettre en parallèle avec les cours d’école de notre enfance, où l’innocence ne paie jamais face à la violence. Mais elle permet en revanche de se forger une certaine expérience en trouvant des alliés inattendus qui aident à grandir.