La rédaction l'a lu
La dernière femmeDécidément, peinture et littérature font bon ménage. Après la « Charlotte » de David Foenkinos et Paula Moderson Becker que nous a fait découvrir Marie Darrieussecq dans « Etre ici est une splendeur » (pour ne citer que deux romans particulièrement réussis), c’est au tour de Jean-Michel Guenassia de plonger sa plume dans la palette de Van Gogh (1853, 1880). La réussite de ce roman, que l’on dévore d’une traite, repose sur une idée assez géniale. Ce n’est pas dans la peau du peintre à l’oreille coupée que s’est glissé Jean-Michel Guenassia, mais dans celle de la dernière femme que le peintre a aimée, Marguerite, la fille du docteur Gachet. Une pure mystification La vie de Van Gogh reste criblée de zones d’ombre. Pour Jean-Michel Guenassia, le suicidé de la société relève de la pure mystification. Même les spécialistes, qui enquêtent sur lui depuis des lustres, émettent des doutes sur les conditions de sa mort, et sur le rôle qu’a joué le docteur Gachet, peut-être pas l’ami généreux des impressionnistes, que l’on croit, mais un homme cupide et intéressé, prompt à se faire payer ses consultations en tableaux. Au fond, cent vingt-six ans après la mort de Van Gogh, on n’est toujours sûr de rien, ou en tout cas, de pas grand chose. Les toiles exposées au Musée d’Orsay font elles aussi l’objet de nombreuses interrogations. D’aucuns pensent qu’il s’agirait de faux. Jean-Michel Guenassia tisse son intrigue dans tous ces trous. Il comble à sa façon les blancs de l’histoire, et c’est formidable. Sous sa plume, la fille du docteur Gachet aima passionnément Van Gogh. Cette jeune fille attend avec hâte sa majorité pour fuir cette maison hostile, où personne ne se préoccupe d’elle depuis la mort de sa mère. Elle n’a qu’une idée fixe : réunir le pécule nécessaire pour partir vivre aux Etats-Unis. Ce voyage en Amérique constitue sa planche de salut. Car à Auvers-sur-Oise, elle s’ennuie à mourir. Elle aimerait peindre, mais se désole de n’exceller qu’à copier, et doit résister de toutes ses forces à son père qui, pour arranger ses affaires, veut la marier de force au jeune George. « Dans ce pays, il n’y a rien de pire que d’être une femme », se désole Marguerite. Jean-Michel Guenassia fait de son héroïne une pionnière du féminisme et s’amuse à plagier Flaubert dans « L’éducation sentimentale ». Quand Marguerite rencontra Van Gogh durant l’été 1890, « ce fut comme une apparition ». C’est Pissaro, l’ami de son frère Théo, qui confie le peintre néerlandais aux bons soins du docteur Gachet, et compte sur lui pour le remettre sur pied. Van Gogh graphomane Marguerite Gachet s’entiche de ce « peinturleur ni beau, ni prévenant, pauvre comme Job ». Elle a 19 ans, lui le double, elle voudrait le suivre au bout du monde, peu importe où, et fonder une famille avec lui. Mais Van Gogh ne pense qu’à peindre, de jour comme de nuit. Durant les deux mois de son séjour à Auvers-sur-Oise, il réalise pas moins de soixante-dix toiles. Il y jette ses couleurs avec fureur, afin d’atteindre le seul but qui vaille: « peindre ce que je sens et sentir ce que je peins ». On le sait peut-être moins, mais c’était aussi un graphomane, qui écrivait deux heures par jour, à son frère Théo, bien sûr, mais aussi à Gauguin, Emile Bernard et à bien d’autres de ses amis. On n’en dira pas plus, car il y a du suspense dans cette passion. « La valse des arbres et du ciel » va vous emporter. Jean-Michel Guenassia parvient à ressusciter Van Gogh. Et peu importe s’il ment, puisqu’il le fait avec talent.
Les internautes l'ont lu
Belle écriture, mais…
Avec La valse des arbres et du ciel », Jean-Michel Guenassia offre une version romancée des derniers mois que Van Gogh a passé à Auvers-sur-Oise avant de mourir d’une balle dans l’abdomen. ça aurait pu être vrai!
C’est un très joli roman que cette histoire fantasmée qui raconte une belle histoire d’amour entre le peintre maudit Van Gogh et Marguerite, la fille du Docteur Gachet. Les quelques semaines passées à Auvers par Vincent n’ont pas donné lieu à une si belle histoire, quoique… Mais j’ai envie d’y croire. La vie du peintre nous est rapportée comme difficile et très troublée, ici , au moins il aura eu un beau rayon de soleil et en plus la vertu de la jeune fille. Les petits extraits de journaux de l’époque pas si loin de la grande guerre remettent le lecteur dans le contexte du roman, une belle idée . Cet affreux bonhomme de Gachet me convient bien aussi dans le genre flatteur et malfaisant. Les personnages secondaires sont bien campés ; tout est réuni pour faire de ce livre un bon moment de détente intelligente. Pourtant il m’a manqué une petite chose que je ne saurais définir, un petit supplément d’âme peut-être. |
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