Le 10 mai 1981, le France bascule, tous les espoirs sont permis. François Mitterand est élu. La gauche prend le pouvoir. Quatre amis vivant en Bretagne, l’année de leur dix-sept ans, celle du bac, vont nous conter leurs espoirs, leurs rêves. Ils partent à la recherche du bonheur, de la réussite. Paul, le narrateur, méprisé par son père, est envoyé à Paris pour suivre la trace de son géniteur. En effet, il est décidé qu’il fera des études de médecine. Il n’en a rien à faire mais Paris est pour lui synonyme de liberté. Il se cherche, se questionne par rapport à sa sexualité. Il se découvre, il est homosexuel. C’est le personnage que j’ai trouvé le plus attachant. Rodolphe dont le père est communiste côtoie la politique depuis son jeune âge. Il étudiera à Rennes, y rencontrera Gabriel un militant et se dirigera bien entendu en politique. Il est socialiste dans l’âme et a beaucoup d’espoir à l’aube de sa vie. Il est attiré par le modèle de réussite de Bernard Tapie.
Tanguy est orphelin de père et dès son jeune âge a le sens des affaires, il aidera sa mère dans l’entreprise familiale. C’est un boulimique du travail, du sexe; il veut réussir. Paul, notre quatrième larron est le seul à rester en Bretagne. Il a reçu un appareil photo de son grand-père. Seule la photographie l’intéresse. Une ellipse de vingt-cinq ans passe et nous retrouvons nos protagonistes en juillet 2009. Que sont-ils devenus ? Leurs rêves, leurs espoirs se sont-ils réalisés ? C’est vraiment une fresque d’une génération, la mienne car j’ai un an de différence par rapport à nos amis. On retrace une époque et j’ai aimé y retrouver les chansons, les films qui ont traversé ma jeunesse.
D’un François à l’autre on voit l’évolution du monde politique, l’évolution de notre société, l’apparition du sida… On retrouve les personnages à l’heure d’un premier bilan à l’aube de la cinquantaine. Ont-ils trouvé le bonheur ? C’est quoi réussir sa vie ? C’est un œil critique sur le capitalisme, une fresque politique et sociale, une description du monde de l’entreprise, du rôle et du pouvoir de l’argent, de notre société de consommation et ses maux, du sida, de l’argent au centre des scandales politiques, du harcèlement moral et professionnel, de l’évasion fiscale, les pots de vin…. La vision est juste, l’écriture percutante. J’ai trouvé quelques longueurs et avoue m’être par moment un peu forcée pour arriver au bout de cette brique de 765 pages. Je suis néanmoins contente d’être arrivée à son terme. Mon état de fatigue du moment ne m’a pas permis d’apprécier à sa juste valeur ce récit d’une grande justesse. Une certaine vision du mode capitaliste, cet aspect fortement mis en évidence , se rapprochant beaucoup trop de mon milieu professionnel actuel m’a probablement empêché de profiter pleinement de la lecture.
Ma note : 7/10 Les jolies phrases Et je me dis que l’amitié était décidément une chose bien étrange qui pouvait associer des individus aussi dissemblables que nous l’étions alors que nous le fîmes de plus en plus pendant les trente années qui suivirent. Il se souvint de sa classe de philosophie et de cette phrase : « Les mots sont des pistolets chargés. » Bordel de Dieu ! Oui, c’étaient bien des balles qu’il prenait en pleine tronche. Des salves de mots, bien plus pénétrantes que ne l’aurait été n’importe quel projectile réel. Il se sentit personnellement la cible du long poème incantatoire de cet orateur brillantissime. C’est quoi, à ton avis, le punk, sinon de la politique à l’état pur ? Un refus des valeurs occidentales. Tout en parlant, je réalisai combien les mots, s’ils ne sont pas flétris par l’orgueil, le mensonge ou la honte, peuvent devenir apaisants et merveilleusement libérateurs. C’est essentiel le sentiment, c’est même la seule chose qui soit intéressante dans tout ce cirque. Seul le théâtre, le cinéma la plupart du temps ce n’est rien d’autre qu’une affaire de sentiment. L’injustice de la doctrine capitaliste ne tient pas tant à une mauvaise répartition des richesses qu’à un manque flagrant d’information. Je pouvais décider d’être heureux ou de ne pas l’être. Je pouvais vivre mille vies en une seule, les possibilités et les combinaisons étant infinies. Surtout, j’allais me nourrir de ces expériences humaines pour enrichir des personnages de fiction. La vie et le théâtre me semblaient procéder d’un tout cohérent, être constitués de la même matière, factice et enivrante. Franchement, est-ce que je n’avais pas choisi le plus beau métier du monde ? L’art ne tient qu’à la rareté de l’offre. Un objet ne devient cher que parce que peu de gens peuvent l’acquérir et se battent pour le faire. Une crise économique c’est comme une guerre. Il y en a qui en meurent, il y en a d’autres qui en vivent. C’est comme ça que le monde marche, c’est comme ça que le monde a toujours marché. Il faudrait être con ou aveugle pour ne pas l’admettre. Il est indéniable qu’on reconnaît les vraies amitiés à la facilité qu’elles ont à se construire d’elles-mêmes, immédiatement, malgré le temps qui a endommagé les habitudes. Je crois que chacun fait ce qu’il peut avec ses propres moyens pour tâcher d’être heureux.
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