La rédaction l'a lu
Pris au piègeAutour de moi, on ne parlait que de « ça ». Les critiques unanimes, les plumes à l’unisson, pour un seul roman, ce « chef d’œuvre », ce « triomphe ». Le New York Times, le Guardian, et la presse littéraire française ; tous, ensemble et d’une même voix, criaient à qui voulait l’entendre à quel point « Le chardonneret » était formidable. Ils avaient raison.
Les internautes l'ont lu
coup de coeur
Le beau est-il l’avenir de l’homme ?
« Nous ne choisissons pas qui nous sommes », voilà le constat presque fataliste de Théo Decker dont nous venons de suivre plus de 1000 pages d’aventures courant sur une quinzaine d’années. Un destin singulier, aux accents de XIX ème siècle et pourtant bien ancré dans le présent, dont la dureté est particulièrement mise en lumière. Le pavé est impressionnant, la version poche sera peut-être plus aisée à transporter et à tenir en mains. C’est apparemment l’habitude de Donna Tartt de livrer d’épais volumes, un par décennie. Et la lecture de ce dernier m’a donné envie de découvrir ses précédents ouvrages, notamment le premier (Le maître des illusions), dès que possible. Le travail est remarquable : une idée de départ originale, des personnages archi consistants, des environnements très travaillés, un fil conducteur très maîtrisé, des rebondissements dosés comme il faut. Si l’on ajoute une écriture très visuelle (en partant du principe que la traduction lui a été fidèle), on a entre les mains un petit kilo de plaisir, propre à occuper quelque temps le lecteur le plus aguerri. En franchissant les portes du Metropolitan Museum of Art ce matin d’avril, Théo Decker ne sait pas que son destin va être irrémédiablement bouleversé. A treize ans, c’est un adolescent comme les autres, qui vit seul avec sa mère depuis que son père les a abandonnés pour s’adonner à sa passion du jeu et de l’alcool. Une mère adorée, libre, moderne, éprise d’art et de beauté. C’est elle qui l’entraîne au musée ce jour là alors qu’ils sont en avance pour leur rendez-vous avec le directeur de l’école de Théo et qu’il pleut. Peut-être que s’il avait fait beau… A quoi tient le destin ? Dans ce musée se trouvent les ingrédients qui guideront la vie de Théo dans les années qui vont suivre. Le chardonneret, d’abord, un minuscule chef d’œuvre peint par un maître hollandais au tragique destin. Un vieil homme accompagné d’une jeune fille rousse, de l’âge de Théo et dont il tombe amoureux au premier regard. Lorsqu’une explosion (bombe ? accident ? on ne l’apprend pas vraiment dans le livre) ébranle le musée, Théo et sa mère sont séparés. Il ne le sait pas encore mais il ne la reverra jamais. Il assiste impuissant à l’agonie du vieil homme qui lui confie une bague et des instructions pour la remettre à quelqu’un, et lui fait promettre d’emporter le chardonneret pour le mettre à l’abri. La suite tient du roman d’apprentissage autant que du roman d’aventures. Peu chanceux du côté familial, Théo trouve un premier semblant de réconfort dans la famille de son meilleur ami, pénétrant ainsi le Manhattan huppé de Park avenue. Il fait également la connaissance de Hobie, le destinataire de la bague, un antiquaire dont le savoir faire l’intéressera avant de l’inspirer et auprès duquel il trouvera une rare source de tendresse. Lorsque son père se décide à refaire surface, Théo se retrouve livré à lui-même dans un Las Vegas résidentiel, aux confins du désert et à mille lieux des lumières du strip, où il se lie d’amitié avec Boris, un adolescent cabossé par la vie et aussi désœuvré et négligé que lui. Pour le meilleur et pour le pire. Alcool, drogue, délinquance… Théo côtoie le sordide tandis que le summum de la beauté, le petit chardonneret le réconforte par sa seule présence, lui maintenant la tête hors de l’eau, caché avec des montagnes de précautions. Peut-on être sauvé par l’art ? La beauté peut-elle triompher malgré tout ? Ni Théo, ni la toile ne sont au bout de leurs péripéties sur fond de trafic d’objets d’art et de grand banditisme qui parviennent à tenir le lecteur en haleine jusqu’à la fin, entre New York et Amsterdam. « Nous ne choisissons pas qui nous sommes » mais nous pouvons choisir d’ouvrir les yeux, d’accepter la destinée sans trop la subir et de nous appuyer sur la beauté des choses, transmises au cours des siècles pour trouver un sens à ce que nous vivons et la transmettre à notre tour. Théo n’est pas encore guéri mais il a grandi. Et c’est la gorge nouée que nous l’abandonnons, prêt à vivre la suite. Retrouvez Nicole G sur son blog |
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