Le gardien invisible: Une enquête de l'inspectrice Amaia Salazar
Dolores Redondo

traduit de l'espagnol par Marianne Million

folio policier
janvier 2015
528 p.  9,10 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Le meurtrier aimait les gâteaux

Dolores Redondo est à découvrir de toute urgence. Le premier opus de sa trilogie de Baztán (paru au printemps 2013 chez Stock, enfin en poche) démarre tambour battant. L’enquêtrice, l’inspectrice Amaia Salazar, formée outre-Atlantique aux méthodes du FBI, est de ces personnages troubles pour lesquels on se prend d’affection très vite. Mariée à un artiste américain stéréotype de l’homme idéal, sujette à des visions, hantée par des souvenirs d’enfance terribles, Amaia est originaire du lieu où sont commis des crimes visant de toutes jeunes filles. De quoi la promouvoir chef, au grand dam de quelques collègues masculins aux réactions machistes prévisibles.

Ce gardien invisible, le basajaun, est-il responsable des meurtres qui ensanglantent ce coin de la communauté forale de Navarre ? Comment mener une enquête sur un homme-loup, accepter la part de croyance inhérente au pays Basque lorsqu’on représente l’ordre et, surtout, la rationalité ? Amaia n’y parvient pas toujours. Comment le pourrait-elle alors qu’elle parle aux esprits, tire les cartes, comme sa sœur Ros et surtout sa tante, Engrasi et vit « éveillée » de violents souvenirs comme s’ils étaient réels et actuels. Un polar déroutant, qui demande qu’on laisse de côté tout esprit rationnel, pour se laisser porter par les coutumes basques et par la force des esprits. Pour ancrer son intrigue dans un quotidien moins surnaturel, moins mystique, Dolores Redondo nous offre une famille sacrément dysfonctionnelle. Prenez les deux sœurs d’Amaia. Ros, la soumise, qui se réveille tardivement, épouse d’un looser juste bon à jouer à la PlayStation qui se défait (non sans mal) du joug de la sœur ainée, Flora. Femme de poigne, revêche, d’une méchanceté constante envers ses proches, mariée depuis vingt ans, sans enfant, elle dirige l’entreprise familiale d’une poigne de fer. Entreprise où l’on fabrique des gâteaux, notamment les txatxingorri, une pâtisserie locale que le tueur laisse comme l’une des signatures de ses meurtres.

La romancière basque excelle à mettre en place un univers où le lecteur aura plaisir à se glisser. Guide touristique (certes) macabre d’une région atypique, héroïne plus tourmentée qu’un Adamsberg mais, comme chez Fred Vargas, une équipe policière dans laquelle chacun a son rôle à jouer. Ces acolytes d’horreur ne servent pas uniquement de faire-valoir à leur inspectrice vedette et l’on devine très vite, chez certains, des changements de comportement qu’il sera intéressant de suivre dans les deux autres volumes de cette trilogie passionnante. Une fois digérée cette première enquête, bien sûr !

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