Après les six volumes passés sur le règne de Nicolas 1er (publiés entre 2008 et 2013), Patrick Rambaud nous offre une petite virée en Chine il y a vingt-cinq siècles avec ce « Maître ». Une interprétation rythmée, fantaisiste et cultivée de la vie de Tchouang, connu des taoïstes comme l’un de ses pères fondateurs. « Comment Tchouang tomba sur notre terre », chapitre d’introduction, narre la naissance étrange du jeune Tchouang et le décès quasi instantané de sa mère : « les hommes entrent en scène aussi démunis qu’ils en sortent », rappelle-t-il non sans un humour… tranchant. Notre écrivain s’amuse tout au long d’un roman étonnamment dense pour ses 233 pages. Poétique et pleine de sagesse, la drôle de fausse biographie se nourrit de vérités et de recettes de cuisine d’une autre époque fortement déconseillées aujourd’hui. A l’image des petits pâtés de foies humains. Découpant la vie de Tchouang-tseu en courts chapitres, l’auteur nous entraine dans une (re)découverte de la Chine d’alors, entre guerres et sagesse. Tchouang est un drôle de zèbre, porté sur la contemplation et l’oisiveté, refusant les honneurs et le pouvoir, méfiant par nature, d’une curiosité totale, qui philosophe à tout va et partage le fruit de ses réflexions à qui veut l’entendre. En vieillissant, il sera rejoint par quelques disciples, malgré son manque d’envie à professer. Ses leçons de sagesse nous restent après lecture. Observer, ne pas agir inconsidérément, être dans le lâcher-prise devant certains événements : assurément un roman plus moderne qu’il n’y paraît.