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Un voyage sans surpriseDans le nouveau roman de Serge Joncour, le narrateur ressemble étrangement à son auteur. Il porte le même prénom – Serge –, il est romancier, a écrit un livre intitulé « UV »… Avec « L’Ecrivain national », Serge Joncour se lance dans l’autofiction. Ce n’était pas forcément une bonne idée. Alors qu’il n’est pas très enthousiaste à l’idée de commencer sa résidence d’un mois à Donzières, petite ville du centre de la France, à peine arrivé, l’écrivain Serge se passionne pour un fait divers qui divise la région. Henri Commodore, vieux maraîcher à la retraite, très riche selon les rumeurs, s’est volatilisé. Les soupçons se portent vite sur Aurelik et Dora, deux jeunes d’Europe de l’Est arrivés dans la région quelques années plus tôt, et voisins du disparu. Les habitants de la petite ville ne portent pas les deux jeunes dans leur cœur. Ceux-ci habitent au beau milieu de la forêt, ils sont coupés de tout et taxés de marginaux. « L’Ecrivain national » ressemble à un voyage sans encombre. C’est un roman qui se lit agréablement mais qui ne réserve pas de surprises – ni bonnes ni mauvaises, d’ailleurs. Certains aspects de l’histoire sont un peu exagérés, comme l’amour immédiat que Serge ressent pour Dora, uniquement à travers une mauvaise photographie d’un journal local. « L’Ecrivain national »est un gentil thriller, qui ne ferait pas de mal à une mouche, mais qui divertit le lecteur.
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coup de coeur
De l’utilité des résidences de littérature
« – Je vous demande de réserver un accueil chaleureux, je dirais même triomphal, à celui que je me permets d’appeler Notre écrivain, oui de dis Notre écrivain, car pendant plus de trois semaines il sera à vous, à vous tous, et en votre nom je tiens à le remercier de ce temps précieux qu’il va nous accorder, d’ailleurs je le lui dis en face, merci, merci à vous d’être venu, nous sommes fiers, croyez le bien, d’inaugurer cette session de résidence d’auteurs avec un écrivain national, et je compte bien que vous parliez de Donzières dans votre prochain roman, que vous montriez notre ville sous son meilleur angle, du reste elle n’en a pas d’autres… » (p.36) Un livre dont chacun de nous est le héros
Le titre ne laisse pas de surprendre. L’écrivain… national. Drôle d’association. Inhabituelle, en tout cas. Un écrivain peut être, à la rigueur, régional, ou bien français ou de n’importe quelle autre nationalité… mais national ? Qu’est-ce que cela peut bien signifier ? Dans son dernier roman – le premier que je lis de lui -, Serge Joncour imagine un écrivain invité pour un mois en résidence d’écriture dans le centre de la France. C’est le maire de la bourgade qui l’accueille qui le gratifie de cet étonnant qualificatif devant ses administrés. L’écrivain se voit ainsi affublé d’un titre aussi pompeux que ridicule, qui moque l’aura particulière que l’on prête volontiers à ses congénères, qui l’embarrasse singulièrement et qui augure immédiatement des questionnements existentiels qui vont le tarauder ! L’auteur pose d’emblée la question dans les premières pages de son roman, avant de nous embarquer dans une réjouissante mise en abîme où le lecteur autant que l’écrivain sont amenés à s’interroger sur la relation respective qu’ils entretiennent avec le texte, la fiction et la réalité. Invité par la municipalité – qui «aurait largement préféré un handballeur ou un judoka»-, un écrivain arrive dans une ville dont un hameau voisin vient d’être le théâtre d’un crime ; il se rend sur les lieux supposés du drame, et les signes qu’il découvre matérialisent ce qui n’était jusqu’alors qu’un récit lu dans un journal. «Je n’étais plus dans cette distance prudente que sécrètent les histoires tant qu’on ne fait que les lire.» Ce qui se tenait derrière des mots s’insinue en lui, presque à son corps défendant, pour devenir une réalité, sur laquelle il va à son tour mettre ses propres mots, que nous lecteurs sommes précisément en train de lire… Et c’est bien la question que nous finissons immanquablement par nous poser : les lignes que nous lisons sont-elles pure invention qui permet d’interroger le lien avec un hypothétique réel, ou bien constituent-elles le journal d’un événement que l’auteur, qui a peut-être été lui-même invité en résidence d’écriture, aurait réellement vécu et qui donnerait lieu à la création d’une oeuvre dont nous sommes précisément en train d’assister à la genèse. Nous serions alors dans une forme parfaitement aboutie d’autofiction, dont l’enjeu ultime serait la création de l’oeuvre que nous sommes en train de lire. Joncour joue avec humour, humilité et avec une délicieuse virtuosité sur ce thème. C’est avec un véritable plaisir que je me suis laissée entraîner dans sa construction littéraire et je me suis fort amusée, tout au long de ma lecture, à me demander constamment à qui j’avais affaire: l’auteur, le narrateur ou le héros du livre ? Quant aux questions posées plus haut, moi, lectrice, je n’ai pas de réponse définitive. Mais une chose est sûre: je suis redevable aux écrivains de m’offrir les instants parmi les plus lumineux et les plus riches de mon existence. Sans leurs livres, la vie me paraîtrait bien fade. Qu’ils en soient remerciés. |
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