Trilogie de L'emprise, I : L'emprise
Marc Dugain

Folio
avril 2014
368 p.  8 €
ebook avec DRM 7,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Un thriller à l’américaine

Philippe Launay, chef d’un grand parti politique français, a décidé de remporter les élections présidentielles. Il doit d’abord affronter son concurrent direct à l’intérieur de son propre camp, un certain Lubiak. Ce Lubiak a mené son enquête, et pour faire chuter Launay il est prêt à exhumer une veille affaire peu reluisante. Mais lui-même n’est pas un modèle de vertu et d’honnêteté, et Launay s’acoquine avec un haut fonctionnaire chargé du renseignement afin d’en savoir un peu plus sur certains comptes en banque que Lubiak a planqués dans des paradis fiscaux. Launey doit également se battre sur d’autres fronts, et en particulier se méfier de sa femme, qui le déteste et se dit prête à tout pour l’empêcher de parvenir au couronnement. Quant à sa maîtresse… Pendant ce temps, une espionne enquête sur un voilier soi-disant coulé par un sous-marin, et un syndicaliste intègre tente de déjouer les plans d’une multinationale qui veut l’éliminer.

On le voit, tous les coups sont permis dans le nouveau livre de Marc Dugain. Cet auteur, devenu célèbre en 1999 dès son premier roman, « La chambre des officiers », s’intéresse de près aux dessous des affaires politiques du monde. En 2005, « La malédiction d’Edgar »se présentait comme une biographie romancée d’Edgar Hoover, un célèbre ancien patron du FBI, et dans « Une exécution ordinaire », en 2007, Dugain parlait du rôle joué par Vladimir Poutine dans la tragédie du Koursk. Aujourd’hui, il a donc décidé de s’attaquer au microcosme politico financier français. Toutefois, même si Dugain en interview a expliqué s’être inspiré de l’affaire Karachi et avoir travaillé avec des journalistes d’investigation pour bien connaître son sujet, ce livre n’est pas une enquête sur des faits précis. Il s’agit bien d’un roman, peuplé de personnages de fiction.

Ils sont nombreux, ces personnages, d’ailleurs peut-être un peu trop, et la trame du texte peut paraître complexe. Mais, petit à petit, d’un chapitre à l’autre, le puzzle se met en place, et suivant tour à tour chaque personnage le lecteur commence à découvrir les liens qui relient toutes ces histoires, et reste tétanisé par l’ampleur des enjeux, la détermination des protagonistes, la violence des échanges. Marc Dugain s’inscrit dans un genre défini, le thriller à l’américaine, et n’hésite pas, dans une vision très noire de la société d’aujourd’hui, à camper des hommes politiques sous influence, entre blanchiment d’argent, conflits d’intérêt et trafic d’influence, tous menés par leur avidité, leur envie de pouvoir, d’argent et de femmes.

L’inattendu, et qui fait que ce roman est un peu plus qu’un simple thriller, se cache du côté des enfants. Petits, adolescents ou déjà devenus adultes, adorés, détestés, oubliés, conquérants, dépressifs ou suicidaires, ils sont très présents, les enfants des personnages principaux, et agissent comme des révélateurs, car ils sont la faille ou la force des chacun.

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Héals criant de vérité

Certains films mentionnent, des fois que…, toute ressemblance avec des personnages existants… Dans ce livre, c’est tout le contraire, rien de fortuit à mon avis, mais tous pourris. Tous jouent au jeu de « je te tiens par la barbichette », pas de sourire à la fin, mais la mort physique ou politique programmée. Chacun a connaissance des casseroles de l’autre.
Au fil des pages, même l’homme, soi-disant, intègre, ou, peut-être le moins pourri, Philippe Launay, s’avère devoir naviguer à vue et perdre, petit-à-petit, l’once de liberté qu’il pensait avoir. Comme a dit Voltaire : « Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m’en charge ! »
Marc Dugain démontre comment une information, en enquête, petit à petit devient connue de tout le monde par des chemins détournés et ou des interlocuteurs divers. Chacun y ajoutant, bien sûr, une petite nouveauté de derrière les fagots.

L’affairisme mène au pouvoir ou le pouvoir mène à l’affairisme, c’est selon votre base de départ. Le tout est de savoir nager en eau trouble et de mener sa barque sans s’occuper du bateau (l’Etat) qui sombre, d’autant qu’il est question d’un porte-containeur.

L’écriture de Marc Dugain, toujours aussi belle et précise dans ce thriller politique très véridique. J’ai pu, hélas, le découvrir au petit niveau de notre canton.

La construction donne un sacré rythme à ce roman très visuel qui devrait se transformer en une série télévisée.
Un livre, efficace, que j’ai dévoré.

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coup de coeur nuit blanche

Une satire politique

Un roman qui porte bien son nom, l’emprise, impossible de ne pas être sous le charme et captivé par cet univers de Marc Dugain.
Un univers tellement réaliste celui de la politique, des médias et l’envers du décor des démocraties modernes. On est totalement happé par ce récit polyphonique qui suit plusieurs personnages dont les destins se croisent. Il y a Lorraine jeune mère divorcée avec un grand fils de 15 ans Gaspard. Il est à part passe son temps à faire des statistiques et à regarder en boucle les films de la Nouvelle Vague. Elle travaille aux renseignements généraux. On lui demande dans un premier temps de surveiller une jeune artiste chinoise Li qui aurait des liens avec les services d’espionnage chinois puis de faire la lumière sur la disparition d’un ingénieur spécialiste de l’atome volatilisé après la mort de sa femme et son fils. Pour elle, le seul élément stable de sa vie, c’est son fils et elle fait consciencieusement son travail, même si l’enquête va l’amener à se poser des questions sur son job.

On chemine aux côtés des hommes politiques: le favori de l’opposition futur présidentiable grâce aux sondages Launay, aux prises avec sa femme qui a juré de tout faire pour l’empêcher d’accéder à la plus haute marche, sa maîtresse chargée de sa communication, Aurore qui veille à maintenir un équilibre avec son plus proche adversaire l’autre homme fort du parti : Lubiak . On voit les méandres des financements de campagne avec de l’argent douteux, les flirts dangereux presse- pouvoirs, les petits arrangements entre amis et anciens camarades de promo, la fin des idéaux politiques et l’angoisse face à la mondialisation de la finance.

On ne peut s’empêcher de faire des rapprochements avec des affaires et des hommes politiques bien réels parfois, on retrouve les obsessions politiques actuelles : la tentative de radicalisation vers les extrêmes, la peur du terrorisme, de l’espionnage. Les conflits d’intérêts et les amitiés qui perdurent entre grands patrons et hommes politiques. Un livre qu’on ne peut pas lâcher qui nous prend en otage complètement pendant la durée de la lecture et qui fait réfléchir. Car la force de l’écriture de l’auteur c’est de rendre ses personnages attachants et profondément humains faillibles, avec leurs blessures secrètes, privées, leurs cas de consciences et leurs faire assumer leurs choix.

Il y a une réflexion sur l’argent, les sondages, le monde du renseignement avec un patron haut en couleur : le patron de la DCRI Corti corse, bon vivant et qui a toujours un coup d’avance qui lance Lorraine sur l’enquête de l’ingénieur et sa famille. L’affrontement entre Launay et Lubiak qui incarnent deux options politiques différentes est savoureux. Les questions que se posent Launay jusqu’où est-il prêt à aller pour arriver au pouvoir, quels compromis ? Quelles manœuvres ? sont vraiment intéressantes. On assiste à l’évolution du personnage et aux coulisses de sa campagne. Une vision cynique du monde politique où tout n’est que coup de communications, arrangements et négociations entre ambitieux bien loin des affaires du pays.

C’est la force de ce roman arriver à rendre ce monde opaque et fuyant clair par une écriture alerte et une vision psychologique fouillée des personnages. Et nous amener à nous questionner serions nous prêts à vendre notre âme au diable pour réussir comme le personnage principal ? Pourrions-nous rester nous même face aux magouilles et jeux de pouvoirs comme Lorraine ?

En tous cas un autre regard sur le monde politique, une plongée dont on ne ressort pas indemne. Alors un conseil laissez vous prendre et embarquez par l’emprise.
Retrouvez eirenamg sur son blog 

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