Léna
Virginie Deloffre

Le Livre de Poche
août 2013
216 p.  6,10 €
 
 
 
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L’âme Russe

Telle une femme de marin, Léna semble vouée à l’attente. Sa vie est une alternance entre la chaleureuse présence de son mari Vassia, pilote de l’air pour l’armée d’URSS, et les longues semaines où elle attend son retour. Lorsque Vassia est en mission, elle s’immobilise et écrit son attente à ses vieux parents d’adoption, Dimitri et Varvara, restés dans le grand nord sibérien. Lorsque Vassia rentre, tous les habitants du logement communautaire se massent dans la cuisine pour l’entendre conter ses histoires d’aviation, puis son récit de la conquête spatiale, la grande épopée soviétique de l’espace, fierté du peuple russe.

Lorsque Léna comprend que son mari va faire partie d’une mission programmée dans l’espace, son monde se craquelle. Vient le temps du dégel, de la débâcle. L’auteur trace habilement un parallèle entre les saisons du grand nord, le long hiver communiste de l’URSS, et celui de Léna, en quasi hibernation depuis un drame d’enfance. Les dégâts d’un printemps brutal sont associés à la Pérestroïka.

Un roman qui explore l’âme russe, des paysans dans leur kolkhoze de Sibérie aux citadins entassés dans les appartements communautaires…
J’ai regretté une certaine lenteur dans l’action et le manque de conviction des personnages pour être totalement séduite par cette lecture.

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L’histoire d’une attente

URSS, 1987. Une jeune femme, Léna, attend. Elle attend le retour de son mari Vassili, pilote de chasse dans l’armée russe. La journée, elle travaille au combinat et quand le soir vient elle s’insère dans les files d’attente. Son existence est impassible. Elle guette le retour aléatoire de son homme. Solitaire, silencieuse, effacée, presque figée, patiemment elle attend. Sa vie est ainsi faite, rythmée par les arrivées et les départs de Vassili. Lui, à l’inverse d’elle est toujours en mouvement. Il n’a pas de limite, veut toujours aller de l’avant, plus loin, plus haut, toucher les étoiles. Quand il revient dans la maison communautaire où ils vivent tous deux, il est accueilli comme un héros par les enfants à qui il conte la riche histoire de la conquête de l’espace par les russes. On le sent fier, on le sent heureux, lumineux. Alors que Léna semble éteinte, absente… Pourtant quand il est là, le monde de silence dans lequel elle évolue se brise, le bruit se fait, chaleur et douceur envahissent son corps, mais elle ne partage pas la passion de Vassili, elle ne la comprend même pas.
Orpheline à l’âge de sept ans, elle est recueillie par Varia (une militante communiste) et Mitia (un dissident exilé) dans le Grand Nord Sibérien. Ses parents, des nénètses, se sont noyés dans un trou d’eau alors qu’ils pêchaient. Les corps ne sont jamais remontés à la surface… Fillette, Léna passait des heures assise sur une chaise, comme pétrifiée, dans l’attente que ses parents reviennent sur terre, probablement.
Aujourd’hui, les liens qu’elle entretient avec Varia et Mitia sont indéfectibles, la distance n’y change rien. De Moscou, elle leur envoie des lettres. Chaque départ de Vassili pour la Base est l’occasion pour elle d’écrire confiant ainsi ses états d’âme.
Un jour, Vassia est choisi pour suivre une formation de cosmonaute afin de se rendre sur la station Mir. Le flux et le reflux imprévisibles auxquels étaient habitués Léna se rompent. Les allers et venus de Vassia sont maintenant programmés. L’attente d’avant ne lui pesait pas, car elle était synonyme d’espérance…
Un roman fascinant sur un pays finalement assez méconnu. L’auteur évoque dans une prose emplie de finesse et de sensibilité la grande fierté des russes pour la conquête spatiale, pose un regard juste et intelligent sur le déclin politique et économique et la tentative de restructuration (la perestroîka), esquisse des paysages incroyables allant de l’immensité de la sibérie avec sa toundra et l’Ob qui la traverse et l’entassement des citadins dans des immeubles gris et froids, donne chair à des personnages infiniment touchants, et tisse surtout une très belle histoire d’amour.
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La solitude d’une femme de cosmonaute

La vie de Léna ressemble à celle des femmes de marins. Comme elles, Léna connaît l’absence, les longues périodes pendant lesquelles Vassili est à la Base. Mais Vassili n’est pas marin. Il est aviateur au moment où l’URSS est sur le point de se défaire, ce que personne ne prévoit encore. Léna ne maîtrise rien de son calendrier, dicté par la hiérarchie. Il rentre quand il peut, parfois au milieu de la nuit. Elle préfère, d’ailleurs, puisqu’il n’est pas alors accaparé par les enfants des cohabitants, désireux d’entendre Vassili raconter ses vols.
Léna devient femme de cosmonaute quand Vassili est choisi pour une mission de plusieurs mois sur la station Mir. Avant le départ, le rythme devient plus régulier, ensuite, il faudra attendre le retour pendant des mois…
La solitude d’une femme est au cœur du premier roman de Virginie Deloffre, qui traduit ce sentiment dans les lettres que Léna envoie à sa famille d’adoption. Elle y apparaît de plus en plus fragile, minée par les incertitudes liées à la carrière de son mari. De son côté, celui-ci transmet au livre la vibration d’une exaltation venue de loin, des intuitions géniales d’un savant méconnu du dix-neuvième siècle et prolongée dans une course à l’espace menée contre les Etats-Unis, l’adversaire de la Guerre froide. Chaque succès est un moment de fierté nationale, et le récit qu’en fait la romancière transcende la documentation pour devenir le pilier central de la construction.
Ajoutons que la vie quotidienne dans le Grand Nord sibérien est restituée avec talent. Il y a bien des raisons de découvrir Virginie Deloffre. Les libraires ne s’y sont pas trompé: ils ont donné leur prix à ce roman.
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