D’abord Célia. Puis Bree. Puis April. Et enfin Sally. Chacune à leur tour, les quatre héroïnes racontent avec passion, leur indéfectible affection. Elles se sont connues à l’université de Smith, dans le Massachusetts. Là bas, loin de leurs familles et des pressions de la société, elles ont tout partagé, tout traversé, tout appris, tout vécu. Toujours ensemble. Inséparables. Célia, la plus raisonnable, se rêvait écrivain célèbre. Bree, la plus belle et déjà la bague au doigt, se languissait de son fiancé. Sally, richissime et tirée à quatre épingles, venait de perdre sa mère et se voyait biologiste. Et April, orpheline de père et féministe engagée, travaillait pour payer ses études. A l’abri dans leurs chambres d’internat, elles se sont bâtis une vie faite d’insouciance et de rires. Tour à tour, elles ont découvert l’amour, le sexe, les baisers entre filles, les soirées arrosées. L’amitié, à-la-vie-à-la-mort.
On les retrouve, quatre ans plus tard, lors du mariage de l’une d’entre elles. Si la fin de l’école les a éloignées, elles n’en restent pas moins éperdument attachées. Comme des sœurs, elles veillent encore les unes sur les autres. Mais sorties du cocon de Smith, la vraie vie les heurte. La réalité les rattrape et leur saute au visage. Peu à peu, le temps éloigne les « Smithies », comme elles aiment à s’appeler, mais un événement dramatique les soudera de nouveau. Une telle amitié survit-elle au contact de la vie extérieure ? Comment devenir une femme, une mère, comment passer de la vie d’étudiante à celle d’une adulte de 25 ans, sage et raisonnable, comment grandir, tout simplement ? Ces questions nous touchent, parce qu’elles sont aussi les nôtres.
Pendant plus de 500 pages, J. Courtney Sullivan dresse quatre portraits de femmes, si dissonants, et pourtant si proches. A travers les récits de ces héroïnes attachantes, on découvre l’univers bien particulier de l’une des universités pour femmes les plus célèbres (elle fait partie des « Sept soeurs »). Où les rites universitaires sont délurés -et souvent dénudés- et où la liberté, la tolérance et le rejet de l’homme sont proclamés haut et fort. C’est d’ailleurs sur les bancs de Smith, que l’écrivaine Sylvia Plath s’était assise. Et qui d’autre qu’une ancienne élève de Smith pouvait raconter, avec tant de sincérité, ce que sont ces années d’études à l’américaine ? C’est aussi à travers le prisme de l’une des filles, April, féministe frénétique, que l’auteur nous pousse à réfléchir sur le rôle et la condition de la femme, et sur le mariage, la maternité, la famille.
L’auteur nous livre un (premier) beau roman d’apprentissage, à la fois amusant et touchant, un peu fleur bleue, parfois triste, jamais cliché. Un récit de filles pour les filles, qu’on lit presque en apnée, et qui se résume en deux mots : furieusement addictif.
PS: et si vous avez aimé ce roman, vous pouvez lire le nouveau livre de J. Courtney Sullivan, « Maine », paru aux Editions rue fromentin.