Quand nous vient un inédit de Michael Connelly, on s’interroge comme pour un vin : que vaut ce nouveau millésime ? C’est qu’il en sort un par an, parfois deux (en mars dernier : « Dans la ville en feu »). A ce rythme-là, un romancier a le droit, sinon à l’erreur, du moins au coup de mou. Alors, ces « Dieux du verdict », bonne pioche ? Eh bien, avant de se faire une idée, il faut juste s’accrocher un peu.
On est sur les terres de l’avocat Mickey Haller, par ailleurs demi-frère de Harry Bosch. Quand l’auteur a créé ce personnage récurrent pour « La défense Lincoln », avec le succès que l’on sait et un long métrage à la clef (2011), l’idée était de renouveler son inspiration en changeant de point de vue. Harry est celui qui coffre les méchants, Mickey celui qui les libère. Sans être dupe de leurs crimes ou de leurs vices, il s’en accommode plus facilement et porte sur la nature humaine un regard moins idéaliste, plus indulgent. Néanmoins, il est un point sur lequel Connelly le place à égalité avec l’inspecteur : le soin maniaque qu’il met à reconstituer ses procédures.
Côté Mickey, cela impose de familiariser le lecteur avec le jargon pénal, les stratégies de défense ou les intox de prétoire, sans oublier les curiosités d’un grand cirque judiciaire où les juges sont élus et où défense et accusation emploient leurs propres enquêteurs. Qu’on ne s’étonne donc pas si « Les Dieux du Verdict » ne démarre pas pied au plancher. Ce polar procédural est à maturation lente. Mais une fois qu’on y a pris ses repères, tout s’éclaire. Les ruses de Mickey Haller – que l’on est tenté de voir sous les traits de Matthew McConaughey – comme les faiblesses du système.
Car sans jamais donner de leçon ni oublier qu’il est là pour raconter de bonnes histoires, l’ex-chroniqueur judiciaire Michael Connelly décrit une justice faillible, sujette à l’arbitraire et vulnérable aux tentations. Mickey Haller défend ici un homme accusé du meurtre d’une prostituée qu’il a eue comme cliente. Il le croit innocent et flaire un coup fourré impliquant des policiers. Pour mettre à nu le complot, il va plaider habilement mais aussi espionner, intimider, mentir, manipuler. La vérité n’éclate pas grâce aux bons sentiments, mais demande qu’on se salisse parfois les mains. C’est à la fois ce qui captive dans ce roman, et ce qui fait peur.