Les infâmes
Jax Miller

traduit de l'anglais par Claire-Marie Clévy
J'ai lu
septembre 2015
442 p.  8 €
 
 
 
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Ames sensibles s’abstenir !

Petites natures s’abstenir : se plonger dans « Les Infâmes », c’est prendre pire qu’une claque : une succession de coups de boule. « Je m’appelle Freedom Oliver et j’ai tué ma fille », prévient d’emblée la narratrice. En est-elle sûre ? Sous ce pseudo qu’elle a choisi, cette quadra tatouée et couturée de partout bénéficie d’un programme de protection des témoins : une nouvelle identité, une nouvelle vie, des anges gardiens pour assurer sa sécurité et rattraper ses dérapages. Et vu ce qu’elle boit…

Elle a des excuses. Depuis la mort de son ex, voyou new yorkais ultra-violent devenu policier par calcul, Freedom se cache de sa belle-famille. Persuadés que c’est elle qui l’a tué, sa belle-mère et ses trois fils veulent se venger. Pour échapper à ces petits blancs dégénérés, elle a renoncé à voir grandir ses deux enfants, confiés à une famille d’accueil après le drame. Jusqu’au jour où, enfin, elle a des nouvelles : devenue adulte, sa fille Rebekah a fugué.

« Les infâmes » est le cri d’amour de cette sublime écorchée vive, mère en manque qui étouffe dans un bar minable de l’Oregon quand la chair de sa chair s’est mise en danger. Tandis que Freedom se débat pour recoller les morceaux d’une vie de famille jamais vécue, trois hommes remontent chacun de son côté la piste de la fugueuse : son propre fils, un flic au coeur tendre et son seul beau-frère épargné par les gènes de la violence. A mesure qu’ils progressent, la lumière se fait sur ce qui pousse sa fille à courir et sur ce qu’elle-même a fui vingt ans auparavant…

Roman-choc, polar coup de poing, ce livre sonne comme un appel au secours venu des tripes. L’auteur est une jolie New Yorkaise d’à peine 30 ans, au regard pénétrant. Mais avant de devenir Anne O’Donnell, puis la romancière Jax Miller, et de vivre heureuse en Irlande auprès de son mari John, Ann Cusack a touché très jeune à la drogue. Et l’écriture, à laquelle elle s’est mise il y a cinq ans, l’a aidée à franchir la dure étape de la désintoxication. « Freedom est une survivante, moi aussi« , confiait-elle récemment à la radio publique irlandaise. Entre le sentiment d’urgence qui l’habite et son esthétique du sordide et de la violence, son premier roman fait l’effet d’un diamant brut.    

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coup de coeur

un polar maternel original

Les infâmes est un roman policier qui prend aux tripes, il est original dans son style. Il explore à la fois la banlieue de Mastic Beach et la campagne américaine de Painter dans l’Oregon jusqu’au Kentucky autour du village de Goshen. L’héroïne est à la fois forte et fragile, elle entend des voix dans sa tête, et elle est au bord de la rupture.C’ est Freedom Oliver. Elle a dû se cacher depuis plus de 20 ans dans le programme de protection de témoins et abandonner ses enfants Mason et Rebekah.

Mais le passé la rattrape et elle décide de reprendre sa vie où elle l’avait laissé. J’ai apprécié la fragilité de l’héroïne, ses angoisses, sa détresse mais aussi le fait que ça soit une forte tête. Elle est prête à tout pour sauver sa fille, après une première partie où on fait connaissance avec ses démons intérieurs, place à l’action dans la suite du récit. Le personnage gagne en profondeur et on s’attache de plus en plus à elle au fur et à mesure qu’on comprend son histoire. Pourtant au départ elle a tout d’une anti-héroïne mais cette mère avec un grand M combat ses peurs, ses démons pour aller au bout de sa mission.

Pour les Delaney j’ai apprécié le personnage de Peter le frère handicapé seul personne normale de la famille. Par contre j’ai eu envie de mettre des claques à Mark et Matthew, la belle mère Lynn est particulièrement sordide. Peut être les personnages les plus caricaturaux, des brutes à l’état pur.

Une vision sombre, désabusée de l’Amérique avec ses bikers, prostitués, ses illuminés avec les adventistes. Son système judiciaire défaillant et cette rage de survivre, cette violence qui surplombe le récit. Le lecteur s’interroge sur la violence avec ces armes disponibles à tout va en Amérique, le dévoiement de la croyance avec la secte. On est loin de l’Amérique idéale mais par moment avec la rencontre avec le chaman, le personnage du flic Mattley ou celui de Mason donnent en contrepoint des lueurs d’espoir. Ces personnages incarnent une humanité plus douce. J’ai aussi apprécié les personnages de Magdalene, Rebekah perdue au milieu de cette folie. Un récit à rebondissement qui ne va pas où on l’attend et c’est une réussite.

J’ai aimé le style mordant de l’auteur et les flashbacks qui alternent le récit, le dédoublement de Freedom/ Nessa qui a envie de survivre et de mourir à la fois, cette fascination pour la mort et l’autodestruction.

Un roman noir au bon sens du terme dont les pages se tournent rapidement pour découvrir l’issue de cette folle cavale, cette descente aux enfers de cette mère particulière. Jusqu’où irions-nous pour sauver la chair de notre chair ? L’amour peut il faire prendre tous les risques ? Pour le savoir lancez-vous à la poursuite de Freedom et lisez ce roman
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