Amina est une héroïne, une vraie. Mais une héroïne discrète dont la résistance passive et tenace force l’admiration. Dans son pays natal, le Bangladesh, l’avenir ne la fait pas rêver, alors elle s’invente un rêve d’ailleurs, où ses aspirations auraient enfin un sens. La jeune fille n’hésite pas, via internet, à confier son destin à Georges, un ingénieur américain de trente-cinq ans, qui tiendra sa promesse de l’épouser. En laissant les siens derrière elle, Amina fait l’apprentissage de l’exil. Accueillie avec une certaine méfiance par la famille de Georges, avec un enthousiasme excessif par une cousine excentrique, elle a d’abord l’impression d’être non seulement invisible mais immatérielle dans sa nouvelle existence. Elle découvre que la vie occidentale, n’est pas meilleure mais pas pire non plus. « Tu as remarqué, lui dit la cousine de Georges, que parfois dans la vie, le pire et le meilleur sont tellement liés qu’on ne peut pas avoir l’un sans l’autre ? «
Peu à peu, une autre Amina surgit qui sait affronter le chagrin et les désillusions. Il n’est pas si facile de faire les études dont elle rêvait, de comprendre le monde étriqué du travail, de se faire des amis, de persuader son mari qu’il est vital que ses vieux parents puissent obtenir un passeport américain et venir vivre avec eux. Amina sait qu’elle n’est pas la même en bangla et en anglais, mais sa modestie, et sa détermination lui permettent de surmonter ses paradoxes intérieurs. « Une fois de plus, elle eut l’impression déroutante que son passé continuait à suivre son cours, parallèlement au présent, il n’y avait qu’au téléphone que les deux flots se croisaient. »
Amina pourrait être un personnage de Jane Austen, même si elle vit au 21e siècle. Lorsqu’il faudra renoncer, elle pliera, mais ne rompra pas, et lorsque les relations seront cruelles, avec Georges, ses nouvelles connaissances, sa famille, son grand amour de jeunesse, elle ne lâchera pas les liens, les utilisera pour laisser son enfance derrière, « un beau tableau qui forme un tout et qu’elle emporte avec elle. » Tout comme nous, lecteurs, garderons celui d’une jeune femme ballotée entre deux mondes mais désormais, libre.