« J’espère avoir trahi toutes les promesses que je m’étais faites enfant. Devenir un homme, c’est revoir son plan de vol. Comprendre qu’on se trompe en permanence sur ce qu’on s’imagine que sera la vie. »
Les promesses, c’est la vie d’un homme ; des étés radieux, des hivers mélancoliques, une enfance dorée, des fêlures, des soubresauts, une impuissance, des doutes, des plaisirs fugaces, des amis, des aventures sexuelles et sensuelles, la perte d’un père, l’absence d’une mère, le poids de l’héritage familial, un mariage râté, des enfants qu’il voit à peine, un goût pour le football et les livres anciens, des regrets, des désirs inassouvis, l’amour insaississable, Paris et Porto ercole, la lumière et la noirceur, la séduction et la solitude…
Alexandre-Sandro naît dans les années quarante d’une mère française sans le sou et d’un père italien richissime. Son enfance dans l’Argentario en Toscane est lumineuse. Dernier d’une grande famille bourgeoise, son grand-père Nonno et son père Vittorio placent leurs espoirs en lui. Son avenir est tracé, le flambeau à portée de main. Tout petit, Vittorio lui lance déjà des défis, lui montre la voie. Mais, l’homme est indomptable. À jouer sans cesse avec la vie, il périt noyé sous les yeux de son fils. Sandro n’a que dix ans. Il part à Paris avec sa mère, les repères brouillés. Il veut entrer en religion. Elle prend peur et le renvoie chez Nonno.
Sandro, d’abord guidé par son grand-père – un homme austère, un patriarche aux idées passéistes –, fait l’apprentissage de la vie avec Jacques et Louis, ses deux amis, puis il se lance, seul. Il collectionne les aventures, se marie, a des enfants, s’égare, s’écarte du chemin puis revient malgré tout. Passionné par les incunables, il en fait son métier, recherchant pour ses clients des livres anciens et précieux. Derrière cette passion se cache en fait sa propre quête car avant de mourir, son père avait entamé Le baron perché d’Italo Calvino, une édition originale signée de la main de l’auteur. Ce roman aurait dû se trouver sur la plage ce jour-là , mais lui aussi a disparu.
L’amour, il finira par le rencontrer en la personne de Laure. Son apparition sera un éblouissement. Il l’aimera éperdument. D’un amour pur. Des années durant, ils se croiseront sans se toucher. Juste un effleurement. Le roman s’ouvre sur la mort de Laure. Sandro se souvient alors…
Amanda Sthers s’est glissée dans la peau de cet homme avec aisance. Ce « je » semble tellement évident pour elle. L’écriture coule entre passé et présent. Elle remonte le temps, agite les souvenirs de cet homme, raconte une vie au masculin, avec un naturel désarmant. Sandro m’a souvent agaçée, mais a su m’émouvoir, parfois. L’auteure déroule le fil d’une existence qui s’annonçait prometteuse, mais la vie est mouvante, vibrante et sinueuse… Et je pense au poème de Victor Hugo :
… »Ã” promesses ! espoirs ! cherchez-les dans l’espace.
La bouche qui promet est un oiseau qui passe.
Fou qui s’y confierait !
Les promesses s’en vont où va le vent des plaines,
Où vont les flots, où vont les obscures haleines
Du soir dans la forêt !… »
Extrait de Pleurs dans la nuit, Livre sixième Au bord de l’infini, Les Contemplations
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