S’agissant de Harry Bosch, Michael Connelly tient ses fidèles par les sentiments. L’auteur laisse entendre, depuis quelques romans déjà, que l’heure de la retraite est imminente. Que chaque nouvelle enquête pourrait bien être la dernière. Il multiplie les signes. Mis à l’écart puis réintégré, muté dans un autre service, l’inspecteur rumine ce plan de départ qui vise à rajeunir les cadres du LAPD. Il regarde aussi son adolescente de fille prendre goût à l’autonomie, se soucie qu’elle puisse s’en sortir sans lui. Il rêve même de vivre une dernière histoire sentimentale sérieuse, peut-être jusqu’à la vie commune, lui qui a perdu la mère de son enfant et n’a pas su retenir la femme de sa vie…
Cette petite musique des adieux plane plus fort encore sur « Mariachi Plaza » que sur ses précédentes apparitions, « Ceux qui tombent » et « Dans la ville en feu ». Mais il faut tout de suite mettre les choses au point : baisses des effectifs ou pas, mise à la retraite ou non, après ce roman-ci, on en attend au moins deux autres avec Bosch. On peut donc savourer tranquillement cette imparable mécanique, où le flic de Los Angeles fait la synthèse de son savoir-faire et de son humanité. Car à l’unité des Affaires non résolues, rien n’a entamé sa flamme, pas même qu’on lui ait associé l’équipière la plus jeune parce qu’il en est le doyen.
En fait, l’écart d’âge avec ses proches, fille ou partenaire, lui renvoie la force de son expérience et de sa sagesse. Et il en faut pour débrouiller de front non pas une, mais deux affaires. La première est exhumée par ses patrons : un musicien de rue vient de succomber dix ans après avoir reçu une balle perdue qui l’avait laissé infirme. Sa mort est d’autant plus sensible que des responsables politiques l’exhibaient comme une victime de la guerre des gangs. Mais l’était-il vraiment ? L’autre « cold case » est apporté par sa nouvelle équipière, jeune Latino exigeante et intègre : enfant, elle a survécu à l’incendie criminel d’une cave d’immeuble abritant une crèche sauvage. Qui l’avait allumé et qui était vraiment visé ?
Michael Connelly rend passionnant le moindre développement des deux procédures parallèles. L’engrenage des faits, sans description ni digression inutiles, suffit à résumer l’atmosphère du commissariat ou l’humeur du duo d’enquêteur. Jamais le père de Bosch ne perd de vue l’attention de son lecteur, jamais il ne se regarde écrire. A l’image de Harry Bosch, il continue d’y croire comme à ses débuts, comme si chaque livre était le premier. En toute sérénité.