Don Winslow n’a pas la notoriété ni le succès d’un James Ellroy. Tous deux ont pourtant été cités par Michael Connelly, dans un entretien à l’Obs, comme les deux auteurs de roman noir qu’il admirait le plus. L’hommage n’avait rien d’une politesse ou d’un renvoi d’ascenceur. L’auteur de « La griffe du chien » et de « Savages » a une cote énorme auprès de ses confrères.
Son talent de caméléon fascine. D’un livre à l’autre, il est capable de changer de registre, depuis l’enquête pour meurtre jusqu’à la fresque politico-criminelle en passant par le thriller d’action. A chaque fois, il adapte son style et son ton au genre. A chaque fois, il excelle comme s’il en avait déjà écrit dix du même tonneau.
Démontration une fois encore avec « Missing : New York », qui vient ajouter une dix-septième ligne à sa bibliographie. Don Winslow se met dans la tête d’un policier qui plaque tout pour retrouver une petite fille disparue, convaincu qu’elle a été enlevée. Faisant le deuil de son couple et de ses espoirs de promotion, le sergent Frank Decker s’enfonce dans une dérive solitaire, du Nebraska à New York, avec en ligne de mire un réseau de prostitution enfantine.
Au jusqu’au boutisme du personnage central, on devine que ce thème remue les tripes de l’auteur. Aux Etats-Unis, 100.000 enfants environ sont exploités sexuellement. Si le chiffre est en baisse, si le FBI a porté de rudes coups aux proxénètes, le sujet reste vécu comme l’une des pires tares de la prude Amérique. Don Winslow n’est d’ailleurs pas le seul à s’en émouvoir au travers d’une fiction : la série »The Killing » lui a consacré une de ses quatre saisons.
Poignant, captivant, « Missing : New York » se dévore avec une envie doublée de crainte. L’intuition du sergent Decker est-elle juste et la fillette toujour vivante ? Et dans quel état va-t-il ressortir de cette quête sacrificielle ? L’intrigue est fluide, l’écriture aérée, les comportements troublants, les dialogues percutants. Don Winslow nous fait partager la paranoïa de l’enquêteur face aux mensonges et aux menaces qui l’accueillent. Ajoutant ainsi à son CV un don emballant pour le « road-thriller »…