Attention, roman décapant, irrévérencieux et intelligent ! Comment pourrait-il en être autrement avec cette histoire totalement loufoque signée André Alexis, peu connu de ce côté-ci de l’Atlantique mais déjà primé au Canada. « Fifteen dogs » a obtenu le Giller Prize (comme, avant lui, Joseph Boyden, David Bergen ou Alice Munro pour citer les plus lus dans l’hexagone).
Les Dieux sont de grands enfants, parfois un peu fada, notamment quand ils ont bu. Hermès et Apollon, après quelques verres pris dans pub de Toronto se lâchent : une meute de chiens sera dotée de la conscience et du langage humain. Le pari entre les deux nigauds de l’Olympe est simple : Hermès sera vainqueur si l’un des chiens meurt « heureux ». Apollon persuadé, lui, du contraire, mise sur l’absence de notion de bonheur chez les chiens, même dotés de pensées humaines. L’arbitre invisible (et partial) de ce pari est Zeus qui trouve que, parfois, les Dieux déconnent.
Prince, Majnoun, Benjy, Frick et Frack, Atticus, Bobbie, Dougie et quelques autres canidés se réveillent un matin tout bizarres dans leur clinique vétérinaire. Ils s’échappent et s’organisent en meute avec plus ou moins d’homogénéité. Certains veulent rester chiens, ne savent que faire des pensées qui sont les leurs et qui les mettent en marge du reste du monde canin. D’autres tentent de comprendre leur nouvel état, de réfléchir à leur nouvelle condition… la lutte entre progressistes et passéistes sera terrible. La meute implose, les chiens survivants s’éparpillent au petit bonheur la chance et tentent de survivre. Que faire du langage ? Comment vivre avec les humains qu’ils comprennent autrement, maintenant qu’ils sont doués de conscience. C’est grinçant, mordant (forcément), étonnant aussi tant la réflexion d’André Alexis se double d’une pensée philosophique profonde. Clins d’œil à l’Oulipo, à la nécessaire existence de la poésie, à l’acquisition du langage, à l’articulation d’une pensée complexe… décidément, cet André Alexis vaut le détour !