On apprend qu’Akhil Sharma a mis dix ans pour écrire « Notre famille ». En refermant son livre, on comprend mieux pourquoi. Pas facile de revenir sur son passé. Oui, la vie de son jeune héros Ajay, c’est la sienne. Accompagné de son grand frère Birju et de ses parents, il quitte Delhi pour l’Amérique. Nouveau pays, nouvelle vie. Mais l’Inde n’est jamais loin, car ses compatriotes se mélangent peu et forment une communauté fermée sur elle-même. Une communauté qui est fière de compter parmi ses membres le frère d’Ajay. Birju n’est qu’un adolescent mais personne ne doute qu’il réussira une brillante carrière. Et puis c’est l’accident : un plongeon dans une piscine pas assez profonde, les lésions cérébrales de Birju sont irréversibles. Que se passe-t-il donc dans la tête d’un petit garçon qui apprend que son frère ne sera plus jamais comme avant ? Qui voit sa famille éclater ? Comment ne pas culpabiliser quand on a pensé, même l’espace d’une seconde, qu’on allait enfin devenir le fils idéal puisque l’autre, resterait infirme ? C’est ce regard-là qui bouleverse : jamais larmoyant, seulement sincère. La vie d’Ajay doit pourtant continuer, même si l’existence de sa mère ne tourne qu’autour de Birju, même si son père noie sa peine dans l’alcool. Le petit garçon devient un adolescent comme les autres : maladroit avec les filles, un peu trop rêveur, un brin menteur, mal dans sa peau et irrésistible tout à la fois. Drôle aussi, souvent malgré lui, et quand on s’y attend le moins.
Ce roman pourrait n’être que tristesse alors que c’est tout le contraire. Ce n’est pas un livre sur la souffrance, c’est un livre sur la survie, sur l’espoir, sur cette faculté que chaque enfant porte en lui : même dans le plus profond des chagrins, il existe une force inconnue le poussant à grandir. Cette force, Akhil Sharma s’en est servie pour écrire son histoire. Une histoire qu’on est ému d’avoir partagée avec lui.