Il est de bon ton, paraît-il, d’éreinter Grégoire Delacourt. Trop de succès pour les uns, trop de facilités pour les autres, l’auteur se vend bien, très bien même, mais agace les critiques.
Son deuxième livre fut un immense succès populaire : « La liste de mes envies » s’installe sur la liste des best-sellers pendant des mois. Puis vient « La première chose qu’on regarde », autre succès, qu’on a beaucoup évoqué dans la presse et pas seulement dans les pages littéraires. Scarlett Johansson, elle-même, lui fait un procès, furieuse d’apparaître dans le roman.
Et si on lisait Grégoire Delacourt ? Et si on oubliait l’aspect commercial pour se concentrer seulement sur son dernier livre, « On ne voyait que le bonheur ? »
Grégoire Delacourt a voulu surprendre ses lecteurs : pari réussi. Un homme ordinaire, Antoine, ne s’est jamais remis d’une enfance traumatisante : une mère qui s’enfuit de cette petite ville provinciale où elle crève d’ennui, un père incapable de comprendre ses enfants, une petite sœur traumatisée par la mort de sa jumelle et qui – belle idée – ne parle littéralement qu’à demi-mot. Antoine a aujourd’hui quarante ans, il est expert en assurance, marié, père de deux enfants. Il ne s’est jamais remis de l’absence de sa mère. Ne l’aimait-elle donc pas ? Mais est-il seulement aimable ? Le bilan qu’il fait de sa vie n’est guère réjouissant : il connaît sa lâcheté, sa difficulté à aimer, il a raté sa vie. Son couple part à vau-l’eau sans qu’il n’y puisse rien, son père se meurt. Une nuit, il va commettre l’irréparable, l’inexplicable, comme s’il voulait couper court à la transmission : c’est la descente aux enfers.
Grégoire Delacourt change de cap et certains trouveront le roman trop noir, trop dur, trop larmoyant peut-être. D’autres, les plus nombreux, seront bouleversés par ce personnage perdu, qui ne trouvera la rédemption qu’à des milliers de kilomètres de sa vie passée. Et qui se réconciliera enfin avec les autres comme avec lui-même.