L'ours est un écrivain comme les autres
William KOTZWINKLE

10 X 18
cambourakis tex
octobre 2014
285 p.  7,10 €
 
 
 
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coup de coeur

Vendre la peau de l’ours.

En 1996, l’écrivain américain William Kotzwinkle publie un conte moderne, « L’Ours est un écrivain comme les autres », satire hilarante du petit monde de l’édition new-yorkaise et plus largement de la société égarée par la communication et la consommation effrénées.

Arthur Bramhall, un professeur d’université dépressif, est en congé sabbatique depuis un an. Il est allé s’isoler dans une vieille ferme au fond des bois où il a écrit un roman qui, espère-t-il, changera sa vie. Mais c’est sans compter sur un ours voleur qui rôde dans les parages en rêvant de devenir un homme, et qui voit dans le manuscrit le moyen de parvenir à ses fins. Porte-documents sous la patte, l’ours, qui entre-temps s’est trouvé des vêtements et un nom, Dan Flakes, part à la rencontre d’un agent littéraire qui s’enthousiasme pour le livre et surtout pour son auteur si particulier, charismatique et vendeur. A partir de là, la machine promotionnelle se met en branle autour du livre et de l’ursidé usurpateur, qui rencontre tout le gratin de l’édition new-yorkaise sans que personne ne se rende compte de rien. L’ours, qui maîtrise seulement quelques mots de vocabulaire alimentaire, est emporté dans un tourbillon : les médias se l’arrachent, les publicitaires lui proposent des sommes faramineuses, et même les femmes tombent sous le charme du mammifère viril, le jugeant à la fois sauvage et touchant. En quelques mois, il devient la coqueluche du monde des lettres, son livre est étudié, le moindre de ses grognements interprété, et même les politiques lui font de l’œil. Toutes les situations dans lesquelles se trouve le plantigrade font l’objet de quiproquos et de malentendus ; mais son manque de conversation est mis sur le compte d’une émotivité désarmante, sa rusticité et ses façons mal dégrossies en font un parangon de la simplicité qui s’accommode mal de ce monde surfait. De séances de dédicaces en talk-shows, cet auteur singulier trouble et décontenance un peu, mais on le compare déjà à Hemingway, et lui-même s’adapte très bien à ce nouveau mode de vie qui satisfait ses besoins primaires.
Pendant que l’ours vit sa vie d’écrivain à succès et se civilise, Arthur Bramhall tombe dans un état d’inertie et finit par hiverner dans une grotte. Un jour, sortant de sa tanière pour se nourrir, il découvre avec stupeur que l’auteur de « Désir et Destinée » sillonne le pays, couvert de gloire, son roman caracolant en tête des ventes… N’est-il pas trop tard pour démasquer l’imposteur ? Qui est l’ours désormais ?

La fable de William Kotzwinkle emploie tous les ressorts du comique : les situations, les mots et les gestes garantissent le rire du lecteur. L’auteur fait ainsi la satire d’une Amérique hyper-médiatisée, obsédée par l’image au point que personne ne remet en cause l’humanité de l’animal. Chacun est aveuglé par son propre égocentrisme qui se traduit par la bêtise généralisée et une course débridée au pouvoir et à l’argent. En fin de compte, cette bonne farce ne serait-elle pas une vision platonicienne de la société qui ne voit que des ombres dans la caverne où elle grouille, condamnée par sa propre vanité ?

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coup de coeur

Si les humains peuvent parfois être qualifiés avec des traits de caractère d’animaux ( malin comme un singe, têtu comme une mule, gai comme un pinson), William Kotzwinkle nous fait découvrir qu’un ours peut avoir aussi envie de se comporter comme les hommes. Cet ours là, vivant au fin fond de la forêt du Maine, découvre une mallette cachée sous un arbre. Très gourmand, l’ours pense aussitôt qu’il doit y avoir à l’intérieur de la nourriture. Mais cette mallette ne contient qu’un manuscrit écrit par un professeur d’université, Arthur Bramhall. Ce dernier ayant perdu son précédent manuscrit dans l’incendie de sa maison pense que le nouveau sera plus à l’abri des coups du sort à l’extérieur. Dépité dans un premier temps de ne rien trouver qui puisse satisfaire sa gourmandise, l’ours déchiffre le manuscrit et se dit qu’il tient là le moyen de vivre la vie d’un humain. Il part pour New York, rencontre des éditeurs. Le livre devient un best-seller, et l’ours (qui a choisi comme patronyme Dan Flakes) devient une star, le nouvel Hemingway. Dans le même temps, Arthur Bramhall, ayant découvert que son manuscrit a été volé par un ours, n’aura de cesse de partir sur ses traces et d’essayer de prouver au monde que ce manuscrit est bien le sien. Vous l’aurez compris, ce roman est une satire des milieux litttéraires et des médias. Cet ours découvre le monde des humains où la nourriture est toujours à disposition et à profusion, où l’on peut avoir autant de rapports sexuels que l’on veut dans une année. « Il avait été long au démarrage, mais une fois lancé, elle n’avait jamais rien connu de semblable. Il l’avait soulevée du sol et l’avait secouée comme une poupée…..Et puis ses bruits -les grognements et les meuglements, les choses délicieusement incompréhensibles qu’il lui avait grondées à l’oreille – c’était tout bonnement stupéfiant. Et sa technique sortait tellement de l’ordinaire, la manière dont il l’avait retournée avant de lui mordre la nuque et puis…eh bien, quand il avait joui, c’était comme si quelqu’un baptisait le cuirassé Potemkine. » L’ours n’a que peu de mots de vocabulaire mais tout ce qu’il dit est interprété par ses éditeurs, les producteurs éventuels d’un film qui pourrait être tiré de ce best-seller (en un mot tous ceux qui peuvent se faire du fric grâce à lui) comme étant d’une grande profondeur. Ce roman, à la lecture duquel j’ai souvent éclaté de rire, m’a fait penser à « La fête du siècle » d’Ammaniti mais surtout au conte « Les habits neufs de l’empereur ». En effet, comme dans ce conte, l’ours se dit souvent qu’il va être démasqué. Mais dans cette histoire, pas d’enfant pour crier la vérité à la fin.

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