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coup de coeur
Y’a pas qu’au fond de la mer… que mes yeux sont d’un beau vert…
Hector n’a que quatre ans mais c’est bel et bien le personnage central du livre, celui auquel César, son père, adresse cette longue « lettre ». Ce livre n’en a pas la forme mais il en a l’odeur. Hector n’a que quatre ans mais son père s’adresse longuement à lui pour lui parler de sa mère, décédée par noyade, loin de sa famille. César a rencontré Paz par hasard, un soir dans une supérette, au détour d’un rayon. Elle ne l’a pas remarqué mais lui oui. Il a mis tout en œuvre pour croiser à nouveau son chemin. Journaliste, critique, César fait appel à un de ses collègues pour retrouver la trace de Paz, artiste photographe. Paz, paix en espagnol, est l’équilibre de César. Si César est critique, Paz est artiste… Recto et verso d’une même pièce. Et puis, César, c’est un peu le jumeau de Christophe Ono-dit-Biot qui procède ici à une mise en abyme en se confrontant lui-même à une certaine vanité qui consiste pour tout critique à interpréter une œuvre au-delà de ce qu’aurait fait ou voulu dire l’artiste. Qui est le critique pour j(a)uger l’artiste ? Qui détient la vérité ? L’artiste dans ce qu’il fait ou le critique dans ce qu’il perçoit ? Au-delà de cette question sur la vérité qui est tout sauf universelle et donc parfaitement subjective, Christophe Ono-dit-Biot pose celle de la sincérité, de l’honnêteté. Quelle est encore aujourd’hui la place de la sincérité dans une société où l’affect semble gouverner de nos pulsions à nos réflexions ? Cette sincérité est dès le départ remise en cause par le simple subterfuge utilisé par César pour d’une part approcher Paz et d’autre part attirer son attention. Mais seul l’objectif compte et la route du paradis est pavée de mauvaises intentions… Si le livre ne peut pas se résumer à ces seules considérations sur le monde artistique, ici par le prisme de la photographie et plus généralement celui de l’art moderne (le passage sur la biennale de Venise est truculent), Christiophe Ono-dit-Biot livre aussi le récit d’un amour ambivalent. Il prend le parti, en donnant la parole exclusive à César, de ne livrer qu’un seul point de vue, forcément subjectif de la relation entre Paz et César. Mais il évite soigneusement d’être à charge contre Paz même s’il oriente, intentionnellement, son récit vers une culpabilisation de Paz sans toutefois exonérer totalement César de ses fautes, celui-ci s’interrogeant d’ailleurs sur sa potentielle propre culpabilité dans la dérive des sentiments de Paz. Une relation ne se construit et ne se détruit qu’à deux…. Christophe Ono-dit-Biot inscrit son récit à travers trois temps forts, les trois parties de son livre : le début de l’histoire d’amour entre Paz et César, la cassure qui s’opère entre les deux amants puis la mort de Paz. Comment est-elle morte ? Peu importe. Pourquoi et-elle morte ? Voilà la vraie question à laquelle César n’aura qu’une réponse partielle : uniquement factuelle, elle ne dévoile pas les raisons du départ de Paz qui a aboutit à sa noyade. L’écriture de Christophe Ono-dit-Biot est subtile sans être compliquée : elle donne à son récit la saveur d’une histoire intime, juste. Elle n’est pourtant ni à l’eau de rose ou angélique, ni manichéenne. Elle est humaine, et c’est déjà énorme. Christophe Ono-dit-Biot est un écrivain cultivé, féru d’hellénisme qui malgré une surabondance de références à la mythologie n’alourdit nullement son livre et ne prend pas son lecteur pour un imbécile. Ces références lui sont intrinsèques, naturelles et ne relèvent d’aucune pédanterie de sa part. On ne peut rester totalement insensible ni au récit de César et Paz, ni à l’écriture de Christophe Ono-dit-Biot qui sait emporter le lecteur exactement là où il veut. Autre petite réussite de l’auteur : avoir, dans son style, réussi à rendre vivants les villes, les feux de cheminée, etc… qui s’animent sous sa plume dans une sorte de poésie du mouvement en cohérence avec le pouvoir particulier de la photographie, par définition statique, de rendre compte du mouvement.
coup de coeur
Un océan d’amour.
Plongeon dans un océan d’amour !
coup de coeur
Plongez !!!
Il y a eu d’abord ce titre: » Plonger »… ce mot me touche, me transporte, me fait rêver… il y a des mots comme ça! Si vous n’avez encore rien entendu sur ce livre, continuez ainsi. Essayez même de ne pas lire la quatrième de couverture qui, à mon avis, brouille un peu les pistes et ne reflète pas ce que ce livre sera. Ne lisez pas les critiques qui pour certaines ne doivent même pas avoir lu ces pages… Je ne vous en dirai guère plus, il faut vous lancer, sans préjugés. Retrouver Sido des errances immobiles sur son blog Plonger
Premier grand prix littéraire de la saison, le bien nommé Grand Prix du roman de l’Académie française vient de choisir son lauréat 2013: Christophe Ono-dit-Biot, pour Plonger, son cinquième roman.
Christophe Ono-dit-Biot n’est pas allé chercher très loin le modèle de César, le narrateur de Plonger : semblable à lui, son personnage est journaliste culturel dans un magazine d’importance, il connaît tout le monde et tout le monde le connaît, il court les vernissages et les grandes manifestations comme d’autres vont au bistrot du coin – son bistrot du coin, à lui, c’est le Lutetia. Cela pourrait être la partie la plus faible du roman si la pédanterie du journaliste soucieux de tout expliquer, de tout remettre dans son contexte, n’était un des ressorts fondamentaux de sa relation avec Paz, une photographe dont il est tombé amoureux fou.
Que fait un journaliste culturel pour draguer une femme qui expose ? Il oublie tout ce que la déontologie lui interdit et écrit un article destiné à susciter, au minimum, un peu d’intérêt pour sa personne. Il sait si bien qu’il ne devrait pas faire cela qu’il se justifie : « dans le domaine de l’art, on aime toujours pour des motivations privées. Parce que les œuvres, qu’elles soient filmiques ou graphiques, remuent des choses en vous. » Les plages que Paz privilégie comme sujets deviennent sous sa plume « des plages de vie ». Paz est lancée… et furieuse : pourquoi César s’est-il cru autorisé à interpréter une démarche qui, en fait, n’est pas du tout celle-là  ? Paz est une femme de caractère, elle préfère l’authenticité à la gloire.
Il doit néanmoins y avoir quelque chose d’authentique chez César puisque Paz l’accepte dans sa vie. Jusqu’à un certain point : contrairement à lui, elle ne veut pas d’enfant – elle en a déjà un, explique-t-elle, puisqu’elle a adopté un… requin – et, surtout, leurs regards sur l’art sont si divergents qu’ils finissent par s’opposer. Paz est de plus en plus fuyante, même leur petit Hector, né à la suite d’un coup pitoyable de César qui, à Venise, a fait disparaître la plaquette de pilules contraceptives, ne parvient pas à la retenir. Venise, sa Biennale, c’est donc le moment de la conception de l’enfant. Et le début de la fin.
César raconte tout cela dans un long récit destiné à son fils, afin qu’il sache un jour comment fut la vie de ses parents, commune et séparée, avec en italiques quelques détails qui seront expurgés du texte, détails qu’Hector n’a pas besoin de connaître.
Au fond, Paz, qu’il faut enfin tenter de comprendre vraiment, puisqu’elle est morte et que César est en route vers une plage lointaine pour reconnaître son corps, est restée une énigme, une sorcière porteuse de secrets non dévoilés. Ils ne seront percés qu’en plongeant, physiquement, dans la proximité des requins que Paz aimait tant. Plonger est, bien sûr, un titre à sens multiples. Et le roman d’une passion déchirante, déchirée, hors normes, hors d’atteinte. Retrouvez Pierrre Maury sur son blog
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