Le Manuscrit inachevé
Franck THILLIEZ

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mai 2018
528 p.  8,70 €
 
 
 
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nuit blanche

Bon allez, j’arrête.
Quoi ? Le dernier roman de Thilliez ?
Ah non, pas vraiment ! Celui-là, ça fait trois nuits qu’il m’empêche de dormir (lecture + stress , donc impossible de trouver le sommeil) et trois jours qu’il me mange mes journées (je cherche, je cherche…) Et aujourd’hui, j’ai pris une feuille et j’ai tout noté. Et maintenant, j’arrête de me casser la tête !
Tout noté ? Que je vous explique… Vous êtes prêt ? Je vous préviens, ce n’est pas simple et question suspense, vous en aurez pour votre argent !
J’y vais.
Niveau 1 : une préface dans laquelle J.-L. Traskman, fils de Caleb Traskman, nous explique que son père, romancier à succès, n’a pas terminé son dernier roman policier, à quelque dix pages près. Il est mort avant. Son éditrice est effondrée : comment vendre un polar inachevé ? Toute l’équipe se rassemble autour du livre et cherche la clef du mystère. Pourquoi Caleb n’a t-il pas terminé son thriller ? N’avait-il pas de fin à proposer ? Non, car si l’on observe bien le texte, tout laisse penser que dès le début l’auteur savait très bien où il allait. Ils en sont bien tous persuadés, il suffit de regarder le texte à la loupe. Soudain, l’éditrice crie victoire, elle a trouvé LA solution, elle est là, sous nos yeux (paraît-il, parce que MOI, je ne la trouve pas, enfin, attention, une semi-relecture m’a permis quand même de voir qu’effectivement, dès le début, on a UNE solution mais est-ce LA solution???)
Niveau 2 : le fameux polar écrit par Caleb Traskman. (Ça va ? Tout le monde suit?) Alors, voilà : il était une fois un couple, Léane et Jullian Morgan, dont la fille Sarah a été enlevée. Les années passent, le mari occupe tout son temps à rechercher sa fille. La mère, Léane, tente de faire son deuil de cet enfant dont on n’a jamais retrouvé le corps. Le couple s’est séparé et Léane, de son côté et sous le pseudo d’Enaël Miraure, a écrit un roman policier qui est en passe de devenir un best-seller…
Plus au sud, pas loin de Grenoble, va être retrouvé dans le coffre d’une voiture un cadavre… Un duo choc de policiers (Vic Altran et Vadim Morel) va enquêter…
Niveau 3 : je vous ai bien dit que Léane écrivait un roman policier ? Eh bien sachez qu’il met en scène un auteur, Janus Arpageon, romancier, qui sera séquestré par une femme qui l’obligera à achever son roman.
Niveau 4 : le roman de Janus Arpageon ? L’histoire d’un écrivain qui tue des adolescentes…
Waouh, les belles mises en abyme… (J’adore ça!) Vertigineux, non ?
Bon alors, c’est quoi mon problème ? Eh bien, sachez que le niveau 2 est farci d’indices en tous genres, de pistes : certaines sont à suivre, d’autres sont des « misdirections », autrement dit des leurres. Elles ne mènent nulle part. Enfin, voici ce qu’en dit Vic, un des policiers : « Une technique d’illusionniste, qui consiste à focaliser l’attention de l’auditoire sur un point précis pendant qu’une autre action est en cours. Ça fonctionne parce qu’il est impossible pour un être humain de traduire avec précision l’intégralité des stimuli qu’il reçoit. » Par exemple, des mots, plus exactement des palindromes sont soulignés tout au long du texte (Senones, DVD …) Je les ai tous notés sur ma feuille, lus dans tous les sens, pris le premier et le dernier… Je n’en tire RIEN. Pourquoi Caleb Traskman les a-t-il soulignés ? Qu’a-t-il voulu dire à son lecteur ? A-t-il donné des pistes concernant la fin (qu’il n’a pas écrite, je vous le rappelle) ? Qu’a vu l’éditrice que moi je ne vois PAS ??? Une évidence, paraît-il ! « Si vous avez été attentif durant votre lecture, la réponse à la question que vous vous poserez forcément s’y trouve. » Évidemment que je me pose une question, vous vous poserez la même, c’est sûr. Mais la réponse ???
Et c’est pour cela que, depuis le début de l’après midi, je fouine dans ce roman, note les plaques d’immatriculation des véhicules (loin d’être données au hasard, ça j’ai bien compris, effectivement!), les chiffres, les noms propres, j’ai cherché les symboles, mis en parallèle les personnages des différents niveaux. Bon, je ne dis pas que je n’ai rien trouvé MAIS, il me semble que je n’ai pas TOUT trouvé et qu’il me manque un élément pour éclairer la fin du roman.
Gênant ?
Non, je vous rassure ! Le manuscrit inachevé est un super-roman hyper-stressant avec un suspense à couper le souffle (impossible d’arrêter la lecture : la fin des chapitres vous oblige à poursuivre!), des scènes parfois insupportables mais ça fait partie du genre. C’est « tordu, labyrinthique, angoissant à souhait » comme le dit J.-L. Traskman au sujet du livre de son père. On peut très bien aimer ce roman sans voir ou sans être capable d’interpréter la multitude de petits indices cachés un peu partout, mais comprenez-vous, c’est une histoire de cerise sur le gâteau : si on veut aller plus loin, on peut jouer au flic et chercher. J’ai lu je ne sais où que Franck Thilliez concevait son roman comme une partie d’échecs qu’il jouerait avec son lecteur. Même si on ne gagne pas, on apprécie la performance. Pas de souci là-dessus !
Mais, ça m’énerve quand même et puis, tous ces indices, ces chiffres, ces palindromes, ce mystérieux incipit « Juste un mot en avant : un xiphophore », ces mises en abyme me titillent tellement (j’ai honte de le dire…) que j’ai laissé quelques petits messages ici et là pour interroger les lecteurs qui se vantent de détenir le Graal…
Peut-être que d’ici ce soir j’aurai la solution…
Bon, il vaut mieux chercher tout seul…
Mais ça m ‘énerve !
Si vous peinez, et si quelques bonnes âmes ont bien voulu m’éclairer, je vous promets que je vous aiderai à mon tour ! Il faut de la solidarité pour venir à bout des livres de Thilliez.
Est-ce à dire qu’il a gagné la partie d’échecs ? Je crois que oui, parce que c’est un grand, incontestablement !
PS : Je viens à l’instant de recevoir le premier message. Intéressant tout ça, mais je vous rassure, certains mystères demeurent…

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