Le destin extraordinaire d’une famille de juifs hongrois prise au piège du nazisme puis dans l’étau de la guerre. En 1937, Andras Lévi quitte sa famille et son pays et s’installe à Paris pour y suivre les études d’architecture que l’instauration d’une politique de quota limitant l’accès des juifs aux universités lui interdit dans son pays. Le jeune homme découvre la vie parisienne, se lie d’amitié avec quelques camarades de classe, s’implante dans la communauté hongroise. Il tombe amoureux de Klara, plus âgée que lui, mère d’une adolescente et traînant un lourd passé qui l’a obligée à s’enfuir de Hongrie. C’est le bonheur, malgré l’éloignement, malgré le manque de ses parents et de ses deux frères restés à Budapest. Le bonheur malgré la montée de l’antisémitisme jusque dans les murs de l’école spéciale d’architecture. Mais un bonheur de courte durée. L’Europe s’enflamme, les nations mobilisent. Les autorités hongroises annulent son visa, Andras doit rentrer en Hongrie accompagné de Klara. Débute alors une période d’épreuves et de souffrances qu’aucun d’entre eux n’aurait pu imaginer.
On connait peut-être moins la situation de la Hongrie que celle d’autres pays pendant la seconde guerre mondiale. Malgré l’alliance avec l’Allemagne et bien que des mesures extrêmement dures aient été appliquées à l’égard des juifs, le gouvernement hongrois a réussi à contenir dans une certaine mesure les exigences des nazis jusqu’en 1944 où Hitler, agacé par tant d’indiscipline envoie ses troupes SS envahir le pays. Par la voix de ses personnages, par les informations que les uns et les autres glanent sur ce que les nazis mettent en oeuvre dans d’autres contrées, la Pologne et même la France, l’auteur laisse entendre que la Hongrie était le pays d’Europe de l’est où les juifs ont été le moins maltraités… Ce qui n’empêche pas Andras de frôler la mort dans les différents camps de travail où il est envoyé, et n’empêchera pas non plus les morts.
Ce livre, très bien documenté montre efficacement comment les destins de simples êtres humains sont irrémédiablement impactés par les grandes décisions politiques et, la plus terrible de toutes, la guerre. C’est un beau roman, construit autour de personnages attachants et d’une histoire d’amour hors du commun. Il ne faut pas se laisser rebuter par le poids (800 pages), on n’a jamais envie d’abandonner, bien au contraire.
Essentiel et poignant. Surtout lorsque l’on apprend via les remerciements, qu’il s’agit de la propre famille de l’auteur. Et qu’il faut parfois savoir poser des questions.
Enfin, difficile de ne pas citer quelques vers du poème que Julie Orringer a choisi de placer à la fin de son récit, intitulé « Tout cas » et signé de la poétesse hongroise Wislawa Szymborska, prix Nobel de littérature en 1996 :
« Tu as survécu parce que tu étais le premier
Tu as survécu parce que tu étais le dernier
Parce que seul, parce que les autres
Parce qu’à gauche, parce qu’à droite
Parce qu’il pleuvait, parce qu’il faisait soleil
Parce qu’une ombre est passée. »
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