Pour vous servir
Veronique Mougin

Editions 84
mai 2015
350 p.  7,50 €
ebook avec DRM 7,49 €
 
 
 
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Madame est servie

Parfois, la fiction épouse la réalité. C’est la grande qualité de ce livre, intitulé « roman », qu’on dévore effectivement comme tel, et qui pourtant nourrit mieux qu’un document. Véronique Mougin décrit très précisément la condition d’une gouvernante au début de l’an 2000, au fil des familles dans lesquelles elle est appelée à exercer ses talents. On comprend que si elle a inventé quelques anecdotes et arrangé certains personnages, l’essentiel est vrai.

Ce qu’on découvre est à la fois consternant et désopilant. La gouvernante rame, sommée de s’adapter aux caprices sans fin dans lesquels se noient les richissimes maîtresses de maison qu’elle sert et qui tournent à vide dans un luxe dont, souvent, elles ne font pas grand-chose d’utile ni d’intéressant. « Madame », parfois, est généreuse. Il lui arrive même de travailler. Mais, comme elle évolue dans une bulle déconnectée de la réalité, à mille lieues du petit personnel sur lequel elle exerce son pouvoir financier, elle n’a pas de limites. D’où sa tendance vertigineuse à donner libre cours à son hystérie, à ses obsessions, à ses manies, à sa névrose. Chacun sait que le puissant, aux yeux de son serviteur, est nu.

La domestique que met en scène Véronique Mougin ressemble à son auteur. Maligne et drôle, elle tire des leçons percutantes de son expérience. Comme celle-ci, qui résume l’intérêt de ce livre vif, intelligent, très bien écrit : « La gouvernante exerce en secret un autre métier que le sien. Dissimulée dans le paysage, elle observe les spécimens les plus rares de la nature humaine,. Nababs, génies, excentriques, magnas, vedettes…Elle étudie leur langage mystérieux, leurs parures exotiques, leurs inhabituelles coutumes puis épingle mentalement tout ce beau monde ». Et c’est passionnant. 

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 Les internautes l'ont lu

Quelle vitrine !

Son Michel de mari, cuisinier de son état a vu trop grand et leur restaurant en faillite. Il faut faire bouillir la marmite et les voici donc lui, cuisinier et elle, gouvernante chez les nantis, autrement dit, larbins chez les richards. Je vois bien cela dans la bouche de Michel qui ne supporte pas cet état de « basse caste ». Tout ceci grâce à Séraphin, ange gominé, propriétaire d’une agence de placements qui a su voir le potentiel de Françoise.
Nous suivons le couple et, surtout, Françoise dans ses tribulations ethnologiques au pays des ultras riches. Michel, quant à lui, fera une immersion œnologique qui les mènera au divorce. Mais revenons à nos plumeaux ! Attention, vous entrez dans la quatrième dimension. Une contrée où « Un bon employé de maison est un employé invisible même quand il est là. » Leçon n°4. Où « Rares sont les pensées intimes, les fantasmes les plus secrets, les penchants inavouables, qu’une gouvernante consciencieuse ne découvre pas. » Leçon n°18. Et oui, le petit personnel voit tout, écoute beaucoup de choses ! Mais bon, il y a des limites « la collaboration courtoise entre patron et employé de maison s’arrête où commence la revendication salariale ». Leçon n° 8
C’est qu’il faut avoir l’échine souple dans ce métier de gouvernante. Accepter d’être corvéable à merci, ne pas avoir de velléité d’indépendance, regarder les patrons vivre leurs vies de nababs, mais ne pas vivre sa propre vie. Comme l’écrit l’auteur : « leur vie s’écoule gentiment, sans eux » Leçon n°23. La leçon n° 29 recadre un peu les choses quant à la domesticité !
Le coup du caddy est un des plus grands moments de rigolade, juste à imaginer la scène, bien sûr en y mettant l’accent !
Ce livre est judicieusement conçu. A chaque maison le même rituel. Découverte des patrons, connaissance du milieu, immersion totale dans le microcosme puisque Françoise sera toujours logée, plus ou moins bien, mais logée, fin de la collaboration et pour clore le compte-rendu de mission, une petite leçon pleine d’ironie, de sagesse, de vérités. Une sorte d’anthologie de la gouvernante qui ne tient pas le gouvernail. La description du contrat en CDI de la page 363 est un résumé savoureux de la vie de gouvernante.
Véronique Mougin, même si elle pratique l’ironie pour décrire les patrons n’est jamais trop méchante. Pas de vitriol, comme si elle contenait ses émotions, mais une amertume et une rancœur certaines.

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