Rendez-vous à Estepona
Åke EDWARDSON

10 X 18
mars 2014
260 p.  7,50 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu
coup de coeur

Un scandinave à découvrir

A lui tout seul, Ake Edwardson est un antidote aux idées reçues sur les Scandinaves. Les lecteurs qui l’ont un jour approché, pour lui faire dédicacer l’un de ses dix romans policiers déjà traduits en français, ont découvert un sexagénaire chaleureux, volubile, souriant, sans rien de cette réserve que l’on prête parfois aux Suédois. Ses écrits sont à l’image de cet ancien journaliste épris de blues et de rock : riches d’humanité, en prise directe sur le réél, tendus comme un arc vers un objectif constant : raconter de bonnes histoires.

Avec « Rendez-vous à Estepona », l’homme de Göteborg fait une infidélité, la première, à son héros récurrent, le commissaire Erik Winter, pour s’aventurer aux confins du thriller politique. Peter, cadre dans la pub à Stockholm, est tiré de son confort familial par un coup de fil l’expédiant sur la Costa del Sol. Plus jeune, il s’est livré en Espagne à des activités clandestines achevées dans le sang. Ses anciens amis basques l’ont retrouvé sous son identité d’emprunt et l’obligent à revenir, accompagné de son épouse, pour une dernière « mission »qui sent la vengeance.

Dans la littérature noire, le thème du héros rattrapé par son passé est un classique. Ici, Ake Edwardson le soumet à un électrochoc. Action sans temps mort, dialogues tirés au cordeau, il va à l’essentiel en soulevant une foule d’interrogations. Qui joue quel rôle ? Qui manipule qui ? Qui risque sa peau ? A tout moment, sur chaque point, tout semble possible. « Avec la fiction, j’ai découvert que l’on donnait plusieurs points de vue à une histoire, pas seulement celui du journaliste. Et dix lecteurs d’un roman en donneront dix interprétations différentes », nous expliquait-il fin 2011, en présentant son précédent livre, « Le ciel se trouve sur terre ».

L’auteur épaissit le mystère d’Estepona par la grâce d’un personnage principal qu’il ne nous rend pas spécialement sympathique ni attachant, mais qui se révèle dans le regard des autres. Il use d’une écriture syncopée, hachée, pour restituer la tempête dans le crâne de Peter, son existence qui s’ébrèche, autant que l’atmosphère poisseuse, imprégnée de peur, qui baigne cette plage andalouse. A coup de flashbacks express, enfin, sur ce fameux passé activiste où tout ne semble pas à jeter, il nourrit jusqu’au bout une question de fond : peut-on toujours reprendre le contrôle de sa vie ? Un pur suspense jalonné de petits cailloux philosophiques. Une mécanique brillamment intelligente. 

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