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coup de coeur
Roland est mort
Roland est une sorte d’homme invisible. Un homme qui ne fait pas de bruit, que personne ne remarque, qui passe inaperçu, partout. Il croise parfois ses voisins dans l’escalier quand il promène sa petite chienne qui s’appelle Mireille. Mireille parce que Roland est fou de Mireille Mathieu. À part cela, il n’y a rien d’autre à dire sur Roland. Et puis Roland va mourir comme il a vécu, sans faire de bruit. On le retrouvera une semaine après, sur le sol, la tête dans la gamelle de Mireille. « Roland est mort depuis une semaine dans l’indifférence générale. Il n’avait plus de famille, même pas une cousine alcoolique, venue lui réclamer une petite Suze, une cousine squelettique qui noie sa détresse dans un verre de cantine. Il n’avait même pas un ami venu lui confier ses problèmes de fric, ses problèmes de fesses, ses problèmes en général, qui donnent envie de taper sur la table en disant « La vie c’était mieux sous Mitterrand! ». Personne n’est venu frapper à sa porte, même pas un voisin pour lui demander s’il allait bien, s’il avait besoin d’une soupe instantanée ou d’un cachet d’aspirine, s’il avait envie de jouer à la belote ou au rami. Roland est mort dans la plus grande solitude. Il ne laisse aucun contact, aucun ami. il n’avait pas de vie sociale. il n’avait qu’un caniche. » Il sera évacué par les pompiers et son caniche sera confié d’autorité à son voisin qui ne connaissait absolument pas Roland. Et le voisin, à prime abord, n’a rien de très sympathique. Un célibataire de quarante ans, au chômage depuis qu’il a envoyé balader son patron, après s’être lui-même fait envoyé balader par la femme qu’il aimait. Cette petite Mireille en héritage d’un parfait inconnu n’est pas du tout la bienvenue dans son deux pièces cuisine où il passe ses journées à regarder des films porno et à siroter du Campari. Il essaiera bien de caser la pauvre Mireille, mais il se cassera les dents et finira par lui faire un bon shampooing. Le vernis craque, un humain réapparait derrière la cuirasse du pauvre type dénué de tout sentiment. Mais il n’est pas au bout de ses surprises, ce voisin. Un beau jour, un employé des pompes funèbres sonne à sa porte, une urne dans une main, un document officiel dans l’autre. Roland a légué ses cendres à son voisin. Qu’a-t-il fait pour mériter ça ? Le voilà donc en compagnie d’un caniche indésirable et d’une urne funéraire dont il essaiera aussi de se débarrasser. Sans succès. C’est qu’on ne bazarde pas un mort comme ça… Finalement, Roland n’aura jamais été aussi présent que depuis qu’il est mort. À travers une écriture sarcastique, percutante et touchante à la fois, l’auteur soulève dans ce très beau roman le problème de la solitude. Deux solitudes vivant sur un même palier qui se croisent mais ne se trouveront que lorsque l’un d’eux aura rendu l’âme, ne laissant pas d’autre choix à son voisin inconnu que de briser les murs entre lesquels il s’était enfermé vivant. On le lit d’une traite, on en ressort troublé, peut-être un peu plus attentif à ceux qui nous entourent sans faire trop de bruit.
coup de coeur
Roland est mort et j’ai bien ri !
Il est des livres pour lesquels l’activité somme toute assez solitaire de la lecture ne convient absolument pas. Et pourquoi donc, me direz-vous ? Eh bien, parce qu’on a envie de les partager, là, tout de suite, d’en lire des passages, aux uns, aux autres, de rire et surtout pas dans son coin, d’aller frapper chez le voisin ou chez un cousin… Roland est mort et j’ai bien ri. Le petit roman rose m’a beaucoup amusée, beaucoup, beaucoup. Parce qu’il est drôle, très drôle et terriblement humain : on rit là où l’on pourrait pleurer et inversement. Le sujet ? Le voisin du narrateur est mort. Il s’appelait Roland. Quand la voisine est venue lui annoncer la nouvelle, ledit narrateur l’aurait bien mise à la porte : « La voisine du dessous vient toujours m’annoncer des mauvaises nouvelles. Elle me parle des gens dans le monde qui n’ont pas de bras ni de jambes, qui font la manche à la sortie du métro, des gens qui ont des maladies congénitales et qui démarrent dans la vie du mauvais pied. Elle me parle des trous dans la couche d’ozone et des vaches qui pètent au Paraguay. Elle me donne sa théorie sur le désordre climatique, et même qu’il ne faut pas s’étonner si un jour il neige en juillet. » Et puis, de toute façon, la voisine peut bien raconter ce qu’elle veut, il ne connaissait pas son voisin vivant, alors, maintenant qu’il est mort… Sauf que, si les pompiers veulent bien emmener le corps, ils ne prennent pas le caniche, enfin, la caniche, Mireille (oui, je vais trop vite et j’ai oublié de vous dire que Roland adorait Mireille… oui, Mireille Mathieu, souvenez-vous !) Donc, je récapitule : Roland est mort, on l’a retrouvé une petite semaine après, la tête dans la gamelle de Mireille et personne n’est venu frapper à sa porte, personne n’a pleuré (sauf la voisine, un peu), personne ne s’est inquiété, à une époque où on est tous reliés : « Aujourd’hui on a la messagerie instantanée, son profil sur des réseaux sociaux, sa tête au générique d’une téléréalité. On crée des événements, des manifs, des flashmobs. On se rassemble sur des places publiques, on se serre dans les bras, on se fait des free hugs. Tout est mis en place pour ne pas vous laisser la tête dans la gamelle du chien. » Et pourtant ! Roland est mort et tout le monde s’en fout. Ainsi, je récapitule de nouveau (c’est bien de faire le point régulièrement pour que tout le monde suive), « Roland est mort mais pas Mireille ». Alors, que faire de Mireille ? L’étouffer dans un sac plastique ? Pas pratique. La voisine du dessous ? Elle s’en fout ! L’employeur de Roland ? Il a d’autres chats à fouetter. La SPA ? Ça s‘fait pas, comme disent mes élèves ! Les copains du bar ? A voir. Les parents ? Vraiment tout fout l’camp ! La sœur ? Je reste polie. Alors qui ? Bref, résumons : « Un seul être vous envahit et tout est surpeuplé. » et puis, quand on est seul, abandonné même, largué quoi, profondément malheureux et au chômage, on a autre chose à faire que d’attendre que Mireille fasse sa crotte sur le trottoir. Il faut aller à Pôle Emploi par exemple, prendre un ticket, attendre parmi les plantes en plastique, rappeler qu’on a été formé dans un domaine précis, rencontrer un coach en développement personnel, apprendre à respirer et crier en levant les bras : « La vie est belle, j’aime la vie » Ça ne donne pas de boulot mais ça fait patienter… « Je bois pour oublier que demain, Roland c’est moi. » Je vous avais dit que parfois, ça vous serrait la gorge cette petite histoire-là… Un pur régal, un hymne à la vie, un regard percutant sur notre société mal barrée et croyez-moi, je ne vous propose qu’une mise en bouche parce qu’avec Roland, le pire est toujours sûr… enfin presque ! Roland est mort et j’ai bien ri ! Retrouvez Lucia-Lilas sur son blog |
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