Tout ce que je suis
Anna FUNDER

10 X 18
janvier 2015
504 p.  8,80 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Un roman passionnant

Après la lecture de « Charlotte » de Foenkinos, j’ai enchaîné sur celle de ce roman basé lui aussi sur des faits réels et des personnages ayant réellement existé.

Les quelques 500 pages ont été dévorées en deux jours tant cette histoire m’a passionnée.

Après la Première Guerre Mondiale, des mouvements pacifistes ont vu le jour en 1919, principalement dans le sud de l’Allemagne. Ces mouvements seront bien vite réprimés, mais les intellectuels et les journalistes qui y ont participé deviendront des témoins de la vie politique allemande et de la montée du nazisme.

Anna Funder a choisi de nous faire suivre le parcours de deux couples : d’un côté celui formé par l’écrivan socialiste Ernst Toller et de son amante Dora, femme passionnée et militante courageuse ; et de l’autre celui formé par la photographe Ruth Becker (cousine de Dora) et de son mari Hans.

De 1919 à 1933, nous découvrons la montée du nazisme en Allemagne, comment Hitler une fois au pouvoir a verrouillé la société allemande. Le point de départ fut la chasse aux communistes après l’incendie du Reichstag.

Les choses ne feront qu’empirer et de nombreux journalistes, écrivains et intellectuels seront contraints à l’exil : « …55.000 allemands, dont quelques 2.000 écrivains et artistes, avaient été contraints à l’exil.Nous étions plusieurs centaines à échouer en Grande-Bretagne. On nous avait donné le plaisant surnom d’emigrantsia car nous étions des émigrés cultivés opposants au régime. Les juifs arrivèrent plus tard. Mais nous n’avions rien de nantis. Tous nous étions déracinés, dans l’embarras, coupés de notre langue, souvent sans le sou, privés de lecteurs et interdits de travail. »

Pourtant, tous auront à coeur de dénoncer la situation en Allemagne malgré le danger. Si le gouvernement britannique ne les écoute pas, pensant qu’il faut accorder à Herr Hitler le bénéfice du doute (il finira bien par se comporter comme un gentleman), le gouvernement nazi, lui, ne les lâche pas. Ils sont surveillés et suivis en permanence par des espions, leurs appartements cambriolés et saccagés, ils sont victimes de tentatives d’intimidation, certains comme Dora seront assassinés.

Ce qui les motivait : prévenir le monde de ce qui était en train de se passer et ouvrir les yeux de leurs compatriotes. En vain. La suite, on la connaît malheureusement.

Ce roman, passionnant, se lit presque comme un roman d’espionnage.
Il a une résonance particulière dans la situation actuelle :  » La plupart des gens n’ont aucune imagination. S’ils pouvaient s’imaginer les souffrances des autres, ils seraient incapables de leur en infliger autant… Se représenter la vie d’un autre est un acte de compassion profondément sacrée… Nous avons risqué notre vie pour aider nos semblables, ici et à Londres, à imaginer, à se représenter les choses. Ils n’ont rien imaginé. Mais si grand qu’ait été Toller, il se trompe. Ce n’est pas que les gens n’aient pas d’imagination. C’est qu’ils s’empêchent de l’utiliser. Car une fois que l’on se représente pareille souffrance, comment continuer à ne rien faire ? ».

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