Une nouvelle signature dans la confrérie des agents de la CIA passés à l’écriture. Un profil inédit qui vient s’intercaler entre les fictions vibrantes de vécu d’un Robert Baer (« Syriana » ou « RED » au cinéma) ou d’un Jason Mathews ( « Le Moineau Rouge ») et les best-sellers formatés, sans lien avec leur passé, d’un Barry Eisler ou d’un Joseph Finder. Karen Cleveland, à en croire ses éditeurs, a travaillé huit ans au sein de la « Centrale » en tant qu’analyste, un poste de geek où l’on croise, recoupe, extrapole les fruits du renseignement humain et des écoutes électroniques. Son expérience lui a servi à planter le décor. Dans un service similaire à celui qui l’employait, elle a situé une intrigue assez bateau, façon « thriller domestique » : l’histoire du mari qui n’est pas celui qu’il prétendait. L’espionne bureaucrate du livre, mère et trentenaire comme l’auteur, découvre en piratant un ordinateur ennemi que le père de ses quatre enfants est au service de Moscou. Tempête sous son toit, ouragan sous son crâne. Le dénoncer, c’est le perdre et faire éclater sa famille. Le protéger, c’est trahir et risquer aussi de tout perdre. Ce dilemme suffit à donner envie de tourner les pages jusqu’à la dernière. Les personnages n’ont certes pas la même profondeur que dans un pur roman d’espionnage, les Russes font un peu méchants de carte postale et certaines parenthèses sentimentales virent parfois au mièvre. Mais Karen Cleveland vise juste avec ce quotidien un peu routinier qui éclate, cette femme qui perd ses repères face à ses enfants et ses collègues par la faute de ceux qui manipulent l’homme de sa vie. Crédible, mais aussi maligne quand son héroïne revisite les moments forts de sa vie de couple en doutant, à chaque flashback, du sens à leur donner. Qui piège qui ? Qui ment ? Qui triche ? Quelle logique va l’emporter à la fin : celle du cœur ou celle du drapeau ? L’héroïne balance, vacille, mais l’auteur, elle, laisse parler l’espionne qui sommeille en elle…