Brünhilde Blum, qui déteste son prénom et on l’a comprend, déteste tout autant ses parents qui l’en ont affublé… au point des les assassiner en les laissant se noyer en pleine mer, elle se concoctant un alibi en béton armé sous la forme d’un coup de soleil hérité d’une sieste intense l’ayant empêchée d’entendre les appels de désespoir de ses parents. A l’occasion de cette faste journée qui clôt une enfance et une adolescence dramatique, Blum hérite d’une petite affaire florissante de pompe funèbre et d’un mari en la personne du policier qui a le premier répondu à son appel au secours quand elle a donné l’alerte après avoir attendu suffisamment longtemps pour s’assurer de la disparition définitive de ses parents. Manque d’amour, harcèlement moral autant que physique, une formation accélérée en bas âge au métier de croque-mort, Blum trimbale avec elle un passé fait de manque de confiance en soi, de haine de l’autre et d’absence de compassion… sauf envers la famille qu’elle a malgré tout pu créer : un mari et deux filles. C’est l’amputation du mari et père de ce noyau familial qui va remettre Blum sur les rails de la violence de son passé pour partir sur les traces de Dunja que son mari Mark avait pris en affection suite à la séquestration et aux monstrueux sévices endurés par la jeune fille, dans un cave, pendant cinq ans, soumise au diktat de cinq hommes surnommés le Cuisinier, le Photographe, le Prêtre, le Chasseur et, le plus impitoyable des cinq, le Clown. Blum va méticuleusement se venger de chacun de ces cinq hommes, responsables de l’accident de voiture qui a coûté la vie à son mari parce que celui-ci était sur le point de démasquer le premier de ces criminels pervers. Evidemment, dans ce livre il sera peu question de compassion et de pardon et beaucoup de violence, de crimes, de perversions, etc… Bernhard Aichner construit un récit quelque peu cousu de fil blanc. On devine assez rapidement l’identité du Clown, l’auteur ne livrant pas au lecteur suffisamment de pistes différentes pour le perdre complètement. C’est aussi un peu facile de permettre à Blum de 1/ dénicher l’identité du premier homme aussi facilement qu’elle le fait quand son mari, policier de son état n’avait réussi à trouver l’identité du premier qu’en plusieurs semaines de longs palabres avec Dunja et 2/ trouver après chaque vengeance individuelle, dans l’entourage de la victime ou directement chez elle, l’indice qui lui permettra de démasquer le prochain homme sur sa liste. L’impunité avec laquelle elle use de méthodes limites pour mener son enquête et avec laquelle elle organise et commet ses actes vengeur est suspecte de bienveillance de la part de l’auteur… En dehors de cela, Bernhard Aichner crée, en la personne de Blum, un personnage atypique mais pas totalement innovant non plus et dont on a déjà pu croiser des spécimens en littérature ou en matière de série télé ou de film. Blum est aussi attachante que torturée et sans morale. Ce qui pose pas mal de questions quant à la légitimation de tels actes : peut-on se faire justice ? La nature des victimes, elles-mêmes criminelles influe-t-elle sur notre jugement ou sur cette légitimation ? En tout état de cause, l’absence d’états d’âme du « bourreau » est-elle moralement acceptable pour le lecteur ? A chacun de se faire son avis, Bernhard Aichner se contentant de relater ses faits, sans prendre position hormis à travers l’avenir qu’il réserve à Blum (et ne comptez pas sur moi pour spoiler ce point-là). Un polar/thriller plus qu’honnête mais sans réelle surprise et, comme beaucoup de romans de ce genre il faut bien l’avouer, usant de quelques ficelles parfois grossières. Pas de quoi bouder son plaisir pour les amateurs…