« Venise n’est pas en Italie, / Venise c’est chez n’importe qui, / C’est n’importe où, c’est important / Mais ce n’est pas n’importe quand, / Venise, c’est quand tu vois du ciel / Couler sous des ponts mirabelle / C’est l’envers des matins pluvieux / C’est l’endroit où tu es heureux. » Ainsi chantait Reggiani les mots de Lemesle… Si Émile, le jeune « héros » de ce roman se rendra bel et bien à la Cité des Doges, il aurait pu aller ailleurs, l’effet aurait été le même. Venise, c’est une allégorie. Un cheminement personnel, chaotique mais nécessaire, la modification de la perception de soi et des autres. Un voyage initiatique, un road-movie, une route qui défile, un adolescent qui tente de déchiffrer le monde et ceux qui le gouvernent, les jeunes gens de son âge, sa famille… D’incessantes questions viennent lui chatouiller l’esprit et le corps : la politique, l’économie, la pollution, l’écologie, l’avenir, l’amour, la mort, les différences sociales, la solidarité, la justice…
Émile, quinze ans, est brillant à l’école – il a deux ans d’avance au lycée –, mais se sent malhabile à l’extérieur ; timide, pataud, craintif, naïf (limite benêt par moments, ce qui enlève un peu de crédibilité à l’histoire d’ailleurs). Comme tous les ados, il a « honte » de ses parents. Il faut dire que sa famille est assez pittoresque : sa mère lui teint les cheveux en blond depuis sa tendre enfance parce qu’ « il est plus beau comme ça » (et lui se laisse faire !!), elle lui met la pression pour qu’il travaille bien à l’école, veut en faire un mathématicien, son père est VRP, il parle beaucoup, en fait des tonnes, part dans des élucubrations à n’en plus finir, son grand frère est un dur à cuire, engagé dans l’armée… et ce petit monde vit dans une caravane en attendant que le permis de construire de leur future maison leur soit accordé.
Alors quand Émile tombe amoureux de Pauline, une jeune fille issue d’une famille aisée. C’est un double choc pour lui : choc culturel (le père de Pauline est chef d’orchestre, Pauline joue du violon, on doit ôter ses chaussures à l’entrée de leur appartement…) et choc émotionnel (des sentiments inconnus le submergent). Le décalage social entre les deux familles déstabilise complètement Émile.
Pauline, elle, ne semble pas percevoir ce fossé entre eux deux, tant et si bien qu’elle l’invite à venir l’écouter en concert à la Fenice de Venise. Il l’accompagnerait en avion et logerait avec eux dans un grand hôtel, mais une histoire de cousins va chambouler ce projet. Si Émile veut assister au concert, il devra y aller par ses propres moyens.
Et comme les Chamodot (nom de famille d’Émile) sont unis devant l’épreuve, le père décide d’emmener toute sa petite famille à Venise, en caravane ! Les voilà donc partis sur les routes françaises et italiennes, entre rire et larmes, entre situations grotesques et émouvantes. Un trajet dont ils se souviendront toute leur vie.
Un premier roman assez juste sur l’adolescence (hormis certains passages un peu lourd), un journal de bord rythmé écrit à la première personne, fait de digressions (esprit d’escalier), de situations burlesques et d’autres plus émouvantes qui résonnent en nous. On sent le réalisateur derrière l’auteur dans certaines scènes et à travers les références cinématographiques qui parsèment le livre. On embarque volontiers à bord de la caravane des Chamodot.
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