Line, accorte quinquagénaire, se retrouve veuve dans une propriété de la campagne angevine sans revenus suffisants pour conserver ladite propriété et son accès à Paul, le marronnier qui accueille ombrageusement ses après-midis lecture. C’est sans compter sur les excellentes idées de sa fille qui impose plus qu’elle ne propose à sa mère la co-location : elle va mettre en location les trois chambres de la grande demeure et s’installer dans l’ancien cagibi/bureau/bordel de son ex-militaire de mari, histoire de mettre du beurre dans les épinards des frais de succession. Après une sélection aussi rapide que rigoureuse (hum hum hum !), Line recrute les trois candidats choisis par sa fille : Claudette, énergique protectrice des animaux lesbienne, Yuan Po Po, sémillant quadra réflexologue et Priscille, jeunette végane jusqu’au bout des ongles ou pour être plus précis orthorexique (la personne orthorexique pousse à l’extrême l’idée d’une saine alimentation en planifiant longuement cette dernière pour réduire sa consommation de matières grasses, sel, sucre, produits chimiques ou toute autre substance qu’elle considère nuisible à sa santé). Autant dire que le courant passe avec Yuan Po Po et Claudette mais un froid s’installe d’emblée entre Line et Priscille. Tout le roman est basé sur cet antagonisme entre les deux que tout oppose : l’âge, les pratiques alimentaires, la façon de vitre… Et pourtant Priscille ne ménage pas ses efforts pour amadouer Line mais c’est comme si tous ceux-ci allaient systématiquement dans le mauvais sens, produisaient les effets exactement contraires à ceux escompter par le jeune demoiselle, orpheline de père et de mère, ce qui pourrait expliquer sa volonté de recréer avec Line un semblant de schéma matriarcal. On s’amuse beaucoup dans ce roman des ratés de Priscille, on s’agaçe parfois de la volonté affichée de Line de se débarrasser de Priscille comme si elle était incapable de saisir la portée réelle des bonnes intentions de Priscille, on s’émeut du jeu de séduction entre Yuan Po Po et Line, on s’attache au caractère un peu rentre dedans mais totalement franc et honnête de Claudette… On se croirait dans un vaudeville où les portes ne cessent de claquer. C’est emballant, c’est séduisant, c’est divertissant mais chercher en vain un propos autre que celui de la distraction dans les propos de l’auteur. On ne s’ennuie jamais, on s’amuse, on pleure, on rit (c’est la vie de Janine), on badine avec Janine Boissard dans ce tourbillon de vie que représente cette communauté atypique, mélangeant autant de caractères, bien trempés, que de personnages parfois un peu trop trempés dans leurs moules respectifs, un peu trop caricaturaux peut-être mais ma fois sympathiques au bout du compte. Ce serait dommage de ne pas se détendre un peu…
