Bientôt dix ans que l’ouragan Katrina a dévasté la Nouvelle-Orléans et laissé une marque indélébile en Louisiane. Joy Castro bâtit un roman noir à souhait en s’appuyant sur un fait divers : l’évacuation de délinquants sexuels des prisons de la ville en 2005 et la disparition des écrans radar de nombre d’entre eux. Au Times-Picayune, fleuron de la presse locale, la journaliste débutante Nola Céspedes se retrouve à devoir traiter un sujet épineux autour de la place de ces délinquants dans une Nouvelle Orléans (toujours) en reconstruction.
Interroger ses concitoyens sur l’éventuelle réinsertion de voisins ex condamnés pour violences sexuelles, aller à la rencontre de certains de ces hommes n’ayant pas terminé leurs peines de prison est un travail dont Nola ne peut ressortir indemne. D’autant que, depuis quelques temps, des jeunes femmes sont retrouvées mortes, mutilées et violées, dans le Mississippi.
L’intrigue est classique, de prime abord, et le personnage féminin est affublé d’une bande de potes comme les fans de polars peuvent en croiser au gré de leurs découvertes (l’amie qui bosse chez le procureur, le coloc homo, la vieille copine qui se marie, etc.). Là où Joy Castro intrigue, c’est avec son héroïne, Nola, une journaliste qui n’inspire pas une sympathie immédiate, comme un porc-épic qui demanderait qu’on le câline. Nola et sa sexualité dérangeante. Nola et un passé qu’elle ne parvient pas à raconter à ses amis…
La romancière se fait plaisir avec cette peinture de la Nouvelle-Orléans, ses influences caribéennes autant qu’américaines, son attachement viscéral à la musique et aux ambiances interlopes des bars du quartier français. L’interrogation sur la place des délinquants sexuels dans la société est creusée, l’enquête journalistique -plus que policière- captive. Et le final donne envie de reprendre la lecture de quelques chapitres avec un autre œil. Une belle réussite pour un premier texte !