Ecrite par un Danois et située aux Canaries, cette histoire mêle le froid et le chaud. Froid comme ce personnage d’Erhard Jorgensen, sexagénaire qui vivote, un peu éteint, sur l’île volcanique de Fuerteventura. Il fait le taxi, roulant parfois sans but, s’habillant de vieilles fripes trouvées ça et là. Il s’interdit trop de plaisirs, une prostituée parfois, plus souvent des rhum-chocolat qu’il sirote en écoutant brouter ses deux chèvres. Autrefois, il a plaqué sa femme et ses filles, là-bas, au Danemark. Comme ces hommes qui sortent acheter des cigarettes et ne reviennent jamais.
Imperméable aux émotions
Il semble avoir perdu le respect de lui-même, ne rien attendre, ne pas réaliser ce qui compte vraiment, ni comment fonctionnent les gens. Découvrir au bord d’une route un ami mort dans un accident ne l’émeut pas plus que ça. Il faut un drame plus mystérieux encore pour le secouer. Une voiture que la mer rejette sur une plage avec, à l’intérieur, dans un carton bourré de papier journal, un bébé mort. Cet abandon le renvoie à sa propre lâcheté. Et le journal est danois, ça lui parle. Il va s’acharner à comprendre d’où vient l’enfant tandis que d’autres incidents frappent certains de ses proches à mesure qu’il se débat.
L’île aux illusions
Un éveil que Thomas Rydahl nous fait ressentir par petites touches. Erhard doit sortir de sa voiture, de sa maison, de son île, de ses souvenirs, briser son enfermement volontaire pour s’ouvrir aux autres. Le livre gagne alors en chaleur, en couleurs, en émotions, jusqu’à ce final, plus classiquement calé sur les codes du polar, où les masques tombent. L’auteur nous balade dans ces îles aux illusions, terminus de fêtards et surfeurs en bout de course, où lui-même a vécu quelques années. Il a su donner à son roman ce goût de vrai qui donne envie, la dernière page tournée, de prolonger le charme. Pour cela, il faudra juste patienter : le livre va être adapté au cinéma et il aura une suite.