Lloyd vit à New York. Avec Sophie. En dehors du fait que Lloyd est cobbaye pour les laboratoires pharmaceutiques et qu’il arrondit ses fins de mois en faisant la manche, il forme un couple tout à lambda et vit une vie tout à fait normale. Jusqu’à ce que Lloyd prenne conscience qu’il détient un pouvoir incommensurable : celui d’endormir qui bon lui semble.
Il en va de même pour ses acolytes cobayes. Si Lloyd fait dormir ses cibles, Vic fait vomir, Charlie fait convulser, Randy provoque des crises d’urticaire, Isaac des érections et Frank fait grossir. Tous ces pouvoirs sont hérités de leurs cinq années ininterrompues de tests pharmaceutiques et la consommation compulsive et massive de médicaments. Leurs pouvoirs correspondent tous à des effets secondaires potentiels des médicaments ingurgité : endormissements, vomissements, réactions cutanées, prise de poids…
Pourquoi, comment est-ce possible ? S.G. Browbe ne répond pas à ces questions et franchement, on s’en fiche. Ce qui intéresse S.G. Browne, et le lecteur, ce sont les situations dans lesquelles les « héros » se retrouvent et toute la litanie de questions plus ou moins existentielles qui les assaille.
Sous des dehors humoristiques, les situations ne manquent pas de piquant compte tenu des super-pouvoirs de nos super-héros, S.G. Browne propose un livre beaucoup plus profond qu’il n’y parait. Sous ouvert de nous amuser, il interroge intensément le rapport des américains (mais le sujet peut s’étendre à n’importe quelle population) aux médicaments, sur le pouvoir des lobbys pharmaceutiques, sur le rôle de cobaye humain, sur le sens de la vie quand on est, comme Lloyd, dans la trentaine, subitement sur le carreau, sans emploi et qu’il faut bien faire face aux loyers et aux factures.
S.G. Browne soumet Lloyd à une patachiée de questionnements sur son couple, sur l’honnêteté, sur l’amour, sur le pouvoir, sur la destinée… et il le fait avec talent et humour. On ne s’ennuie jamais avec lui.
Lloyd et ses amis sont confrontés à des vilains dotés de pouvoirs sortis tout droit de tests cliniques : l’un provoque des pertes de mémoires plus ou moins définitives et l’autre des effets hallucinatoires sur ses victimes. Les pouvoirs des méchants sont beaucoup plus cools que ceux des gentils. S.G. Browne s’amuse à affubler chaque héros d’un surnom. Autant vous dire que les pseudos des méchants sont eux aussi beaucoup plus cools que ceux des gentils : Docteur l’Enfant-Do (Lloyd), Spasmo Boy (Charlie), Captain Vomito (Vic), Eczéman (Randy), Super Gros-Tas (Frank) et Professeur Priapisme (Isaac) ont fort à faire face à Illusion Man et Mr Black-Out ! On sent bien par là que S. G. Browne se joue des codes des super-héros tout en les appliquant : les méchants ont de mauvaises motivations quand celles des gentils sont nobles. Mais le cœur de S. G. Browne penche clairement pour les méchants. Ils sont plus « visionnaires » que les gentils, voient et réfléchissent à plus long terme.
Il reste un dernier personnage à aborder : la ville de New York. Non pas que S.G. Bronwe en ait fait un caractère à part entière même si ses personnages écument ses rues et ses parcs, mais personnellement, j’ai plus ou moins fréquenté tous les coins évoqués par S.G. Browne et j’ai kiffé ma race à tous les arpenter en aussi bonne et psychédélique compagnie.
En conclusion de ce colloque sur l’effet placebo des livres et de leur bienfait avéré sur le cerveau humain, nous vous prescrivons à tous une bonne dose de « Héros secondaires » des laboratoires Agullo, développé sous la loufoque férule du Docteur S.G. Browne, matin, midi et soir, tant que les symptômes persistent et ils ne sont pas prêts de s’arrêter !