Giancarlo De Cataldo manie aussi fermement l’arme littéraire que le glaive de la justice. A 58 ans, le juge romain spécialiste des affaires criminelles est une voix majeure du roman noir en son pays, mais aussi par-delà les frontières. «Romanzo Criminale», au succès amplifié par son adaptation à l’écran, puis «La saison des massacres», «La forme de la peur» et «Les traîtres» ont montré qu’il était bien plus qu’un magistrat qui écrivait – depuis l’enfance – pour le plaisir. Son œuvre a un fil conducteur et une âme. Livre après livre, en chroniquant les liaisons coupables du crime organisé, de la politique et du terrorisme, il met le doigt sur les plaies ouvertes d’une démocratie fragile par essence.
Auteur porté par des valeurs de justice, donc, plutôt que magistrat romancier, il a imposé son style nerveux, ses dialogues percutants, ses personnages charpentés. Faisant oublier que les fondations s’arriment dans le vécu. Ses voyous sont si bien cernés, si «réussis», qu’ils effraient d’un regard ou d’un mot. Tels Pietro, alias le Libanais, pivot de «Romanzo criminale», chef de bande d’une intelligence froide et redoutable, dont la psychologie complexe valait bien un nouveau coup de projecteur.
«Je suis le Libanais» nous raconte, quelques années auparavant, sa véritable naissance de mafieux. Ce moment de sa jeunesse, en équilibre instable, où l’amour lui ouvre les yeux sur d’autres valeurs que celles héritées de la rue et de sa famille, où il entrevoit d’autres existences possibles mais choisit finalement son destin. Dans la trajectoire du Libanais, Giancarlo De Cataldo ne croit pas à la seule force du déterminisme social. Y entrent d’autres variables, plus ou moins rationnelles et conscientes. Pas de mystère, donc, dans ce «prequel», puisque la suite est connue, mais un insolent doigté pour, petit à petit, montrer comment penche la balance. Les inconditionnels apprécieront la remarquable concicion de l’exercice sans regarder à la dépense. Les autres attendront peut-être la sortie en poche…