Exceptionnel. Parfait. Sur le bandeau jaune qui ceint le roman de Lawrence Millman, tout est dit ou presque, par Hubert Selby.
L’histoire de Jesse, idiot du village, simple d’esprit, fêlé, andouille. L’andouille. Le garçon dont on voit surtout la différence, les quelques cases en moins, mal remplies, pas remplies du tout, qui le laisse assouvir ses pulsions, brutalement, sans retenue, instinctivement.
Son père s’en occupe, tant qu’il peut, mais il vieillit « chauve comme une vieille balle de golf. Petit. petit pour un père. Lui grandissait tandis que son daron rapetissait.Le garçon appelait ça la croissance. »
Son frère est au Vietnam. Jesse n’a d’autre envie que le rejoindre, pour lui aussi tuer, tirer sur l’ennemi, devenir un héros.
En attendant il s’invente une vie, quelques guerres, une geste héroïque qui le grandisse, un peu plus, et sa vie avec.
Mais Jesse faute, agresse une jeune fille, que faire de lui, ses errements, ses excès, ses dérapages violents et au delà de la loi?
Le père n’en peut mais, le frère, de retour, le rosse.
Jesse ne comprend pas. Ne comprend pas qu’on ne le comprenne pas. Ce qui est évident pour lui est inadmissible ou compliqué pour les autres.
Alors, partir. Fuir. Jusqu’au Vietnam. Mais pas tout seul.
L’imbécile qui affronte la conjuration, parce qu’on ne peut pas ne pas penser au roman de John Kennedy Toole, à son personnage énorme Ignatus J Reilly.
Il n’y a pas 200 pages dans le roman de Millman, mais tout y est. La littérature surtout, bien sûr. Ce qu’il faut de mots, et pas plus, pour dire une vie, complexe et dure, mais pas que.
Au bout du conte, on reste interloqué qu’un tel ouvrage a dû attendre 36 ans sa traduction en français. Claro est passé par là, les éditions Sonatine aussi, pour nous donner enfin à découvrir ce roman parfait, oui. Exceptionnel et parfait.