Le comte de Monte-Cristo avait élevé la vengeance au rang de beaux-arts; Faye, la nouvelle héroïne de Camilla Läckberg la transforme en un tank balayant tout sur son passage. Edmond Dantès et Faye Adelheim ont en commun d’avoir été si meurtris par la vie et les autres, qu’il ne leur reste plus un gramme de sensibilité ni d’empathie. Faye a mal démarré dans la vie, battue par son père et dévastée par le suicide de son frère. Lorsqu’enfin elle croit avoir rencontré le prince charmant à Sup de co où elle brille par ses résultats, voici que celui-ci se transforme en vilain crapaud ou du moins en mari adultère et amateur de porno. Comble de l’ironie, alors qu’elle les a aidés son associé et lui à lancer leur entreprise, la voilà de retour non pas à ses casseroles (elle a abondance de personnel), mais à son shopping et à son coiffeur. Elle encaisse les humiliations sans broncher. Jusqu’au jour où elle surprend son mari avec son assistante en position non équivoque. Il la quitte. La victime se transforme en panthère. Elle va se venger. Le ruiner. L’envoyer en prison. Cela, on le sait dès le début. Tout l’intérêt de ce roman post #metoo est d’aassister à la métamorphose d’une femme, ou plus précisément à sa renaissance. Pour arriver à ses fins, ce ne sont pas les scrupules qui l’étouffent. Camilla Läckberg n’a pas choisi un personnage consensuel, loin de là. Faye est sans scrupules, elle ne recule devant rien, vraiment rien pour parvenir à ses fins, n’a aucune morale mais des amies et une fille qui l’aiment, ce qui lui apporte une touche d’humanité. Délaissant son couple emblématique d’enquêteurs pour un roman en quelque sorte plus militant, Camilla prend un risque. Mais les lecteurs devraient la suivre. Elle a du métier, sait construire un suspense, n’a pas froid aux yeux, et nous entraîne dans son sillage. On ne lâche pas son thriller.