La rédaction l'a lu
Noir MexiqueL’auteure mexicaine nous livre un roman sombre en exacerbant les réalités les plus tragiques de son pays. Les voilà condensées dans cette histoire sans lueur, cruelle, brutale, portée par une écriture et un souffle incroyable, qui ne laisse de répit au lecteur à aucun moment. On entre dans ce roman comme dans l’enfer de Dante : en abandonnant toute espérance. Meurtres, prostitution, pédophilie, homophobie, trafics de drogues, le village de La Matosa est un microcosme qui concentre tous les vices et la violence du Mexique. Tout y est sali, corrompu, pervers, et Fernanda Melchor rend possible la lecture par un style percutant, un langage cru et des personnages déterminés par une société pourrie. Le point de départ est la découverte dans le canal d’irrigation près du village de La Matosa du corps de celle qu’on appelle la Sorcière. La chronique de cette mort annoncée prend la forme d’un roman choral qui donne la parole aux témoins et aux tueurs présumés. La Sorcière, elle-même fille de la Vieille Sorcière et du diable dit-on, aide les femmes « du bord des routes », prostituées, femmes de mauvaise vie, paumées, qui la sollicitent pour retrouver un amant perdu, se venger contre une rivale ou se débarrasser d’une grossesse indésirable. Mais la Sorcière ne reçoit pas que des femmes, elle organise aussi des nuits de débauche avec alcool, drogue et musique en échange de sexe avec des jeunes hommes. Luismi, constamment sous opiacés, est de ceux-là, qui par ailleurs a recueilli Norma, une adolescente enceinte, dans la petite maison qui jouxte celle de sa mère prostituée et de son beau-père Munra, qu’on a vu au volant de son pick-up le jour du meurtre. Quant à Brando, il joue les durs, se vante de ses exploits sexuels et honnit les homosexuels, déchiré par sa propre identité refoulée. Au milieu, il y a la Sorcière, qui connaît les secrets de tous, et dont on raconte qu’elle est pleine aux as… Bouc-émissaire de toute société, la Sorcière sera le catalyseur de la fureur portée à son paroxysme, mais lorsque l’ouragan du mal souffle sur cette société chauffée à blanc, le diable lui-même semble dépassé. Magistral.
coup de coeur
La saison des ouragans de Melchor Fernanda
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