Lost man
Jane Harper

traduit de l'anglais par David Fauquemberg
Calmann-Lévy
août 2019
400 p.  21,90 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Les secrets ne s’envolent jamais

Des voisins à une journée de route, des propriétés qui font la superficie d’un petit pays d’Europe et ont des garde-manger aussi fournis qu’une épicerie… la topographie de l’« outback » australien donne au drame de « Lost Man » des proportions uniques. Il y a peu d’autres endroits au monde où un fermier perdu loin de chez lui, sans véhicule et sans eau, serait condamné à une mort certaine. Sous un soleil au zénith et par 50°C, Cameron Bright a cherché l’ombre dérisoire d’une stèle funéraire isolée dans le désert. La famille attendait son signal radio. Un pilote a repéré son corps desséché. En jouant ainsi des distances, des températures et du relief, Jane Harper durcit à l’extrême ce nouveau huis-clos rural, qui fait suite à « Canicule » et « Sauvage ». Son contrat de base a un air de déjà lu ailleurs : jalousies et haines familiales recuites, finances fragiles, amours contrariées, enfances traumatisées … Mais par cette chaleur qui fait vibrer le paysage à chaque page, elle en extrait un concentré infiniment plus amer que sous d’autres latitudes. Les frères de la victime, sa mère, sa femme, ses employés… tous s’observent de travers. Cette mort horrible est suspecte. Des souvenirs et des retours en arrières viennent tantôt éclairer les soupçons, tantôt les obscurcir. La poussière de sable recouvre les secrets et le vent les déterre. La culpabilité du héros, Nathan, paria trop longtemps absent pour les siens, lui ouvre les yeux sur celle des autres, jusqu’à élucider la sinistre fin de son cadet. A ces personnages aux abords brutaux, parfois rustres, la romancière australienne prête de la subtilité, des fragilités. Elle évite le couac du mélo et tient la note, harmonieuse, de bout en bout.

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