La Rome que Carlo Bonini et Giancarlo De Cataldo décrivent dans « Suburra », leur roman paru l’an dernier, ne fait pas rêver. Avant qu’éclate dans l’actualité le scandale menant au retentissant procès « Mafia Capitale », ils ont su lire dans le paysage urbain et les projets immobiliers les signes d’une corruption à très grande échelle, deviner que mairie, église et mafia avaient noué dans l’ombre une alliance à leur seul profit. Communauté aux valeurs volatiles, la ville résistait mollement aux appétits des trois castes qui prétendent la gouverner. Il fallut l’obstination et le courage d’une poignée de braves pour lui ouvrir les yeux et enrayer le complot. Reprenant leur récit romancé de cette affaire bien réelle, le journaliste-romancier et le magistrat-écrivain montrent dans « Rome brûle » ce moment hautement fragile où la justice est passée, où des têtes sont tombées et où ceux qui s’avancent pour rebâtir se mettent en danger. Pour préparer le Jubilé du nouveau pape, qui implique une pluie de contrats juteux, un jeune évêque ambitieux et un sage de la vieille gauche veulent imposer la transparence. Jusqu’où pourront-ils tenir tête à leurs propres institutions, rompues aux compromissions ? Dans l’autre camp aussi, les lignes se sont déplacées. Le chef mafieux emprisonné, son jeune lieutenant réalise qu’il n’inspire pas la même crainte. Séducteur aux allures de chef d’entreprise, il doit forcer sa nature pour défendre les intérêts de son clan. La clef de cette passionnante fresque sur l’exercice du pouvoir en terrain mouvant, c’est ce romantique égaré chez les psychopathes. Passé au crime organisé pour de mauvaises raisons – la mort de son père, trahi par les politiques et l’église – ayant bien le goût du pouvoir et de l’argent, mais pas naturellement celui du sang, ce magnifique personnage tragique porte le livre vers les mêmes sommets d’intensité que « Suburra ». Et l’oeuvre en deux tomes du duo Bonini-De Cataldo touche au sublime…