On ne compte plus les livres (ni les films) sur la mafia. Et les femmes dans tout ça ? Généralement dans l’ombre, elles se tiennent au courant de tout, font des enfants qui reprendront le flambeau, sont des as des pasta, deviennent très grosses, et n’ont pas leur mot à dire sur les activités de leurs maris… Mais peut-on imaginer qu’un de ces criminels ait une épouse qui ignore tout de ses activités ? Qu’elle ne s’interroge pas lorsque son mari disparaît au milieu de la nuit pour revenir au petit matin ? Qu’elle ne se demande pas quelles sont ces types aux mines patibulaires qu’il fréquente ? C’est le parti pris de Pasquale Ruju dans ce premier roman, un polar étonnantIl débute avec la confrontation entre Annamaria, 37 ans, veuve d’un chef mafioso, et la substitut du procureur chargée de l’interroger. Dans ce face à face qui va durer des heures, Annamaria raconte sa rencontre avec Marcello Nicotra, alors qu’elle n’avait que quinze ans, puis leur vie commune. Il l’avait repérée à un arrêt de bus, l’avait courtisée dans les formes, sans aller trop vite, puis l’avait épousée. Marcello a de mieux en mieux gagné sa vie, ils ont déménagé pour une plus grande maison, mais elle ne s’est jamais doutée de rien. Comment imaginer que pendant qu’elle faisait du shopping, ou une manucure, son mari donnait des ordres pour que l’on terrorise, torture, assassine ceux qui n’obéissaient pas assez vite. Et puis Marcello a commencé à avoir de plus en plus de responsabilités, à se montrer de plus en plus tendu. Pendant ce temps, Annamaria a eu besoin de prendre l’air, et elle est tombée amoureuse. De qui ? On ne le saura qu’à la toute fin. On commence ce roman, on pense « zut, encore une histoire de mafia », puis on se laisse charmer par Annamaria, et on se retrouve sans avoir eu le temps de dire ouf à la dernière page.