Nice, mai 1968. Frédéric Carnoglion rentre d’Afrique, 10 ans après avoir laissé femme et fille. Il rentre parce qu’un père, aussi absent et éloigné soit-il, n’en reste pas moins père et que le fait que sa fille ait disparu depuis 3 mois. Une fille aux fréquentations limites pour des parents en ces temps si troubles : rendez-vous compte, elle fricote avec les gauchistes. Ajoutez à cela qu’un prof de la fac de Nice, réactionnaire notoire (et c’est un doux euphémisme) et mis à mal par les étudiants et expulsé de son cours et du site de la fac, est retrouvé assassiné. Au fil de son enquête, Frédéric réduit la disparition de sa fille de 3 mois pour sa mère à 1 mois pour sa colocataire et 2 semaines pour son copain, le leader du mouvement étudiant niçois. Et pourtant, le portrait de sa fille se floute de plus en plus au fur et à mesure qu’il réduit la distance d’avec sa disparition : quelles étaient ses relations avec le mouvement révolutionnaire étudiant ? avec le vieux prof de fac assassiné ? Ajoutez encore à cela l’intervention de la police (des Renseignements Généraux en l’occurrence) qui ne sert pas forcément à clarifier la situation ou le rôle de chaque protagoniste, tiraillée entre le besoin de résoudre l’enquête sur la mort du prof et son envie quasi intrinsèque de vouloir foutre sur la gueule des révolutionnaires grévistes étudiants. Patrick Raynal s’amuse à raconter son histoire en y mêlant ses souvenirs d’une époque tumultueuse où la jeunesse gauchiste et une droite vieillissante et réactionnaire s’affrontaient encore dans des combats idéologiques. Et on s’amuse avec lui à regarder ses personnages se débattre avec leurs rancoeurs, leurs histoires propres, que ce soit le commissaire proche de la retraite qui ne comprend plus le monde qui l’entoure ou Frédéric, père absent pris dans une course poursuite contre le temps pour retrouver sa fille avec ou malgré l’aide apportée par son ex-femme avec qui les relations sont forcément et systématiquement houleuses. Patrick Raynal manipule ses personnages (et son lectorat) au rythme des manipulations des uns et des autres dans un style efficace, aux dialogues qui font mouche pratiquement à chaque fois.