Physiquement, Marcus Malte ressemble à un jumeau placide de Patrick Juvet, chanteur oublié des années 80. Difficile en revanche de lui trouver une parentèle pour ce qui est de l’écriture de nouvelles, un genre dans lequel Marcus excelle. Qu’elles soient noires, ou simplement romanesques.
Deux textes composent ce petit bijou de noirceur. « Fannie et Freddie » ouvre le bal. L’ambiance flirte du côté de Stephen King, puis bascule dans un registre à peine moins oppressant. L’auteur y campe Fannie, jeune femme décrite comme une Minerve borgne. Dans un quartier de New York, elle kidnappe un golden boy appelé Freddie avant de le conduire dans une ville paumée, comme vidée de ses habitants. Un de ces lieux qui illustre bien la désindustrialisation, bourgade où la misère sociale a pris le pas sur tout le reste, maisons en décrépitude, commerces faméliques, rues désertes… Vous serez peut-être pris d’affection pour cette apprentie criminelle après la découverte de ses motivations, qu’elle-même raconte à son otage. Peut-être pas, et juste soulagé, à la fin de l’histoire, tant la tension distillée en si peu de pages vrille l’esprit des plus sensibles.
La seconde nouvelle invite en bord de mer. « Ceux qui construisent les bateaux ne les prennent pas » met en scène un drôle de lieutenant de police, Ingmar Perhsson, hanté par le souvenir du décès, brutal et tragique, de Paul, l’ami de jeunesse qui s’est pris une balle dans la tête à 14 ans. Trouver le responsable, autant d’années après ce drame, est le carburant de ce flic solitaire qui erre, comme un fantôme armé, dans cette ville de chantiers navals en fin d’existence. Et peut-être vaut-il mieux que Perhsson, rongé par la culpabilité comme les carcasses de vieux chalutiers le sont par le sel, ne retrouve pas son assassin. Car, dès lors, quelle autre vérité chercher ? Ce texte, nostalgique à souhait, évoque aussi un monde perdu : celui des ouvriers et marins de l’âge d’or des villes portuaires. Une époque qui vit grandir Marcus Malte, du côté de la Seyne sur Mer…