Si je veux lire un livre d’Ingrid Astier, je suis certaine de ne pas être déçue. Une rencontre littéraire avec elle avait été programmée pour les 21 et 22 avril 2017 et j’étais justement en train de lire HAUTE VOLTIGE.
Une rencontre formidable. Ingrid était accompagnée par son éditeur, Aurélien Masson (que j’avais connu avec DOA) et elle s’est montrée d’une gentillesse ainsi que d’une si grande disponibilité que j’aurais bien aimé continuer un jour de plus. Il y a des événements qui vous marquent plus que d’autres surtout quand ils sont empreints de chaleur humaine.
Cet événement s’est déroulé dans le cadre du thème : La Société du Polar – N° 1 – thème qui était destiné au samedi, dans une librairie que je fréquente très souvent.
D’autres écrivains étaient invités mais j’en parlerai plus tard pour leurs livres. Ici, je n’ai qu’un seul et unique pôle d’attraction, c’est Ingrid Astier.
Dans la présentation de son ouvrage, elle a révélé avoir plusieurs centres d’intérêts et elle recherche « le côté lumineux dans le roman noir ».
La plupart de ses personnages sont fictifs (mais certains sont véridiques) et elle a l’habitude de s’immerger totalement dans les milieux qu’elle évoque : ceux de la police, des joueurs d’échecs, des peintres (ici Enki Bilal) car elle veut restituer au lecteur ce qui l’a marquée.
Dans HAUTE VOLTIGE, ce sont les personnages « qui prennent la main ».
L’histoire commence par le braquage du convoi d’un riche Saoudien mais en même temps, il y a la disparition de celle dont il est fou amoureux, Ylana (bien mystérieuse).
Le surnom de ce Saoudien est Astrakan, appelé ainsi lors d’un incident et l’explication est donnée à la page 243 :
« L’un de ses hommes de main, l’histoire ne précisait pas lequel des deux One, avait arrosé d’un peu trop près et le boss s’était récrié : PUTAIN ! MA VESTE EN ASTRAKAN ! T’es malade ! Tu bousilles qui tu veux mais pas ma veste en astrakan ! On bousille pas une veste en astrakan, espèce de buffle croisé avec un varan ! ».
Il faut préciser que les gardes du corps sont nommés par Astrakan les deux One : One le blond et One le brun, pour ne pas se tromper en les appelant.
L’enquête est menée par le commandant Stéphan Suarez, policier oui, mais qui tient à sa vie de famille et fait le maximum pour concilier les deux ce qui n’est pas toujours facile.
Cela va nous tenir en haleine, tout au long des six cents pages (ce n’est pas trop, non pas du tout) et de toute façon quand Ingrid commence à écrire, elle sait que ça va prendre du temps : il lui a fallu trois ans et demi pour HAUTE VOLTIGE.
Dans tout le récit, le lecteur va assister à la recherche des voleurs du convoi mais aussi à la poursuite d’un Serbe qui l’obsède, Ranko, surnommé « Le Gecko », « l’homme lézard », qui ne peut pas s’empêcher de grimper, que ce soit des immeubles (pour voler des œuvres d’art ou des bijoux sur commande de son oncle Astrakan), ou des monuments. C’est ainsi qu’il fait de la haute voltige. C’est sa vie, un besoin irrépressible. Certes il est cambrioleur mais il a un côté attachant. D’ailleurs, peut-on le surnommer aussi « gentleman cambrioleur » ?.
De plus, Astrakan lui a offert un jeu d’échecs, celui de Svetozar Gligoric (joueur qui taillait ses pièces dans des bouchons de vin). Ranko participe à des joutes de chessboxing inventé par Enki Bilal.
Ingrid a également côtoyé ces milieux ainsi que ce peintre de grand talent car elle voulait absolument que tout soit véridique pour les détails précis. Grand souci de perfection.
Mais ce qui ressort également de ce roman noir c’est beaucoup d’amour ; d’une part d’Astrakan pour Ylana (dont on ne sait pas grand-chose. Il faudra attendre la fin) et, d’autre part, l’amour de Suarez pour sa femme Tamara et ses filles qu’il doit souvent délaisser lors de ses enquêtes.
Je me suis prise d’une certaine sympathie pour Ranko-Gecko, pour ses ascensions aériennes, faites apparemment sans effort, du grand art. De plus, Astrakan lui a « passé commande » auprès du grand peintre Enki Bilal, et là, il s’en donne à cœur joie, au péril de sa vie.
La lectrice que je suis, a été passionnée par toutes les intrigues, l’amour, les pulsions… Mais c’est un roman noir, quoique empreint d’un certain humour, de poésie, de musique.
Ingrid Astier a reconnu que le Casse du Musée d’Art Moderne, en 2010 à Paris, l’avait inspirée pour HAUTE VOLTIGE, un livre rondement mené, très prenant, et qui confirme tout le talent de cette jeune écrivaine qui a besoin de discipline quand elle écrit. Pour ce qui est de l’énergie, elle reconnaît manger pas mal de chocolat (c’est son péché mignon). Elle ne fait presque pas, non plus, de séparation avec sa vie personnelle. Elle se sent éjectée dans une autre dimension qu’elle nomme la cinquième.
Dans ce livre il y a également de nombreuses références musicales.
Au final, on ressent très bien son plaisir de « créer des crapules », c’est son expression.
Ce fut donc une très belle rencontre avec cette écrivaine qui avait déjà connu un grand succès avec « Quai des enfers » (qui attend ma critique) et d’autres ouvrages.
Un atout supplémentaire : la dédicace : un moment vraiment étonnant car Ingrid utilise plusieurs tampons adaptés à ses livres (mais cela est fait aussi par d’autres écrivains) ; chez elle c’est particulier. Elle ne lésine pas sur son texte de dédicace parfaitement adapté à la personne en face d’elle ; elle colle une photo d’un tableau de Enki Bilal, mais elle utilise également de la poudre d’or, ce qui donne au livre la valeur d’un petit bijou. Et elle fait cela d’une certaine façon mais je laisse le suspense sur ce sujet car il y a un petit plus, d’où l’attrait spécial. La marque d’une grande écrivaine, sa griffe personnelle.
Elle m’a avoué participer de moins en moins à des Salons car elle préfère l’intimité comme ces deux journées, ce qui lui permet d’être au plus près de ses lecteurs et lectrices afin de prendre tout son temps pour répondre aux multiples questions.
Pour moi HAUTE VOLTIGE est bien sûr un roman noir, mais c’est aussi un roman d’aventure car il nous emmène sur les toits de Paris et sur quelques édifices qui, normalement, sont visités d’une façon plus protocolaire.
Merci beaucoup Ingrid pour ces journées mémorables et bonne continuation pour les prochains ouvrages dans lesquels, j’en suis certaine, vous saurez manier avec précision, le côté humain et le côté artistique.
Décidément, je suis incapable de suivre mon programme de vacances : j’ai craqué pour Haute Voltige le dernier polar d’Ingrid Astier dont j’avais lu de bonnes critiques… Alors, que dire ? Bon, c’est vrai, ce genre de romans n’est pas ma tasse de thé : j’ai eu l’impression d’être plongée tête la première dans un James Bond au rythme effréné, et moi qui suis plutôt du genre Rohmer / Woody Allen, j’avoue que j’ai été un peu secouée et arrachée assez brutalement à ma petite zone de confort ! Mais bon, à ma grande surprise, j’ai fini par me laisser prendre au jeu en acceptant les conventions du genre…
En effet, on en a pour son argent ! De grandes scènes hyper cinématographiques dans des lieux ultra romanesques : toits de Paris la nuit, péniche somptueuse, l’Eendracht, où une femme magnifique en slip brésilien satin mandarine bordé de dentelle noire nage dans un aquarium avec des esturgeons (!), appartement du XVIe avec vue sur la Tour Eiffel, murs placardés de toiles de Basquiat, table basse tripode Jean Royère. et j’en passe !
Les personnages sont de richissimes truands portant Rolex ou IWC Portugieser (entre 5000 et 7000 euros pièce), costumes de marque et pulls cachemire, louant toute une terrasse de café pour pouvoir fumer sans déranger personne, buvant du Dom Pérignon 1993, se déplaçant entourés de gardes du corps, possédant Aston Martin « grise comme un lac à l’heure où blanchit la lumière », BMW ou Mercedes et évidemment, carte Visa Infinite.
J’ai lu que l’auteur avait le souci du « détail vrai » : aucun doute, tout existe, je me suis parfois amusée à vérifier sur la déesse Internet.
Le sujet : le convoi d’un riche saoudien est attaqué dans le tunnel de Saint-Cloud alors qu’il se rend au Bourget. Une attaque haut de gamme selon l’inspecteur Suarez qui va être obligé de se détourner d’une autre affaire qui l’occupe à plein temps : celle du Gecko, surnom qu’il a donné à une espèce d’homme-volant, gentleman cambrioleur des temps modernes, capable de s’introduire où il veut, quand il veut, de préférence par les étages élevés, toits ou fenêtres. La BRB, brigade de répression du banditisme, est sur les dents : ils ont affaire à des gens fortunés, sans scrupules, capables de tout pour obtenir ce qu’ils veulent et ce qu’ils aiment : objets de luxe, œuvres d’art ou femmes si le désir est là.
Bref, on est dans le sensationnel, le grandiose, le spectaculaire… Il faut se laisser aller, s’amuser de découvrir tout un monde inconnu (vous connaissiez, vous, le chessboxing ou le parkour ? Pas moi!) Évidemment, on n’évite pas les clichés liés au genre et une recherche peut-être un peu trop systématique de la formule qui sonne bien mais finalement, encore une fois, on ne boude pas son plaisir et l’on se lance dans l’aventure…
Allez, je vous sers un verre de champagne (du Selosse, bien sûr, cuvée Substance – ça existe, j’ai vérifié !) accompagné de sa petite cuillère de caviar ?