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Chronique des années de sangPour un romancier, s’engager dans l’écriture d’une trilogie, c’est comme grimper une pente de plus en plus raide en portant une charge de plus en plus lourde. Défi relevé par Frédéric Paulin avec sa saga d’espionnage qui raconte comment, en trente ans, depuis les retombées de la guerre civile algérienne jusqu’au conflit syrien, des jeunes Français ont versé dans l’horreur du terrorisme islamiste. Acte 1 : « La Guerre est une ruse » (2018), un officier du renseignement français, ballotté entre Alger et Paris, voit émerger le fléau djihadiste avant tout le monde. Acte 2 : « Prémices de la Chute » (2019), les services de sécurité français assistent impuissants aux premières attaques sur le sol national. Pour l’Acte 3, après ce deuxième volet aussi captivant que le premier, il restait à aborder la période la plus sensible car la plus proche, au cahier des charges forcément plus exigeant. En avançant de vingt ans, il ne s’agissait pas seulement de faire (bien) vieillir les personnages, il fallait surtout couler dans une trame imaginaire des événements encore frais dans nos mémoires… Le résultat est à la hauteur de l’attente, fluide et crédible de bout en bout, qu’il s’agisse d’introduire la dérive meurtrière de Mohamed Merah, la naissance de la filière djihadiste de Lunel, la vie à Raqqa sous Daech ou les préparatifs des attentats de 2015. Autour de son héroïne, la journaliste Vanessa Benlazar, fille du maître-espion au centre des deux premiers actes, Frédéric Paulin maintient la bonne distance avec ses personnages, quel que soit leur camp. Des agents du contre-terrorisme habités par leur mission mais débordés par la tâche. Des jeunes radicalisés qui doutent parfois, mais finissent tous par s’engager. L’auteur ne juge pas davantage les uns qu’il n’excuse les autres. Sans doute laisse-t-il de côté certaines interrogations, la fiction ayant des limites dont peut s’affranchir un essai ou une enquête. Mais on est emporté, justement, par ce versant romanesque, par les émotions, peur, haine ou remord, qui ébranlent les acteurs de cette page d’Histoire revisitée. « La Fabrique de la Terreur » boucle brillamment un triptyque qui devrait bien vieillir, vers lequel on pourra revenir, bien plus tard, pour appréhender un peu de la folie de ces années de sang. Lisez notre interview de Frédéric Paulin « Ma spécialité, c’est le moment présent »
coup de coeur
« La fabrique de la terreur » de Frédéric Paulin |
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