« – Ce que j’ai détesté, moi, dit-elle d’une voix forte, quand j’étais petite, c’était que tu fasses passer le travail avant moi. Ce que j’ai détesté, c’était de ne pouvoir rien y changer. J’étais obligé d’accepter ce qui m’était donné là. (…) Nous étions obligés d’accepter ce que tu avais décidé. Ash, Grace, papa. Tout le monde. Il s’est toujours agi de ce que tu voulais, toi, et rien d’autre. »
Susie Moran, est une femme de poigne. À la tête d’une grande entreprise de céramique à Stoke-on-Trent en Angleterre depuis plus de trente ans, qu’elle a montée pièce par pièce avec persévérance, travail et ambition, Susie peut être fière de son parcours. Jasper, son époux s’est toujours effacé derrière sa femme, la soutenant avec bienveillance dans toutes les difficultés qui traversaient son chemin. Conciliant, il a laissé de côté sa passion pour la musique afin d’ élever lui-même leurs trois filles ; Cara, Ashley et Grace. Susie pouvait être ainsi toute à son travail, du matin au soir, et du soir au matin. Les filles devenues grandes ont fait naturellement leur entrée dans l’entreprise de leur mère, chacune à des places stratégiques.
Toute la famille participe ainsi au bon fonctionnement de l’entreprise, dont les rouages semblent parfaitement bien huilés. Mais si les fondations tiennent bon, c’est surtout dû au regard implacable de Susie, qui dirige tout ce petit monde avec conviction et autorité. Jusqu’au jour où le mécanisme de l’engrenage va se gripper.
À quatre-vingts ans passés, le père de Susie, Morris, fait irruption dans sa vie. Cet homme, elle le connaît à peine ; il l’a laissée seule avec sa mère, Susie était encore bébé. Morris déboule dans la vie de sa fille comme dans un jeu de quilles… pour le bien de tous.
Son arrivée déstabilise complètement Susie. Désarçonnée, fragilisée, les langues commencent à se délier. Sans s’en rendre compte, Morris va bouleverser l’équilibre apparent de la famille. Mari, filles et gendres profitent de la faille pour faire entendre leurs voix teintées de colère et d’amertume.
Chacun s’exprime enfin, s’ouvre à la discussion, expose ses idées propres… sous l’oeil hagard de la patronne. Plus ils se libèrent, plus Susie se ferme…
Un roman sur la famille et ses tourments, d’une facture plutôt classique mais efficace et juste. Les personnages ont de la consistance et il est vraiment plaisant de suivre leur évolution – les caractères de chacun se révèlent – au fil du livre. Les priorités changent, les personnalités s’affirment. Un vent de liberté souffle sur l’entreprise et la famille et ce, grâce à Morris, le père jadis absent, si important aujourd’hui voire essentiel à la cohésion de tous ; la pièce maîtresse du roman.
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