Mettre aux prises des gens n’ayant rien en commun et que tout semble opposer : en fiction, l’effet est garanti. Chez Mark Haskell Smith, un romancier et scénariste américain porté sur la provocation et l’humour noir, cet effet est forcément comique. Dans « Ceci n’est pas une histoire d’amour », son cinquième roman, il fait se croiser le monde de la télé-réalité et celui de l’édition littéraire avec une envie égale d’égratigner l’un et l’autre. Première victime expiatoire : un Monsieur Muscles à cervelle de canari dont l’Amérique téléphage vient de vivre les malheurs en direct. Pour promouvoir l’autobiographie tirée de l’émission qui l’a fait star, il exhibe sa belle gueule et sa plastique dans une harassante tournée des librairies. Celle-ci sont prises d’assaut parce que le livre, « son livre », est excellent. Ce qu’il ignore car un nègre talentueux, écrivain frustré, l’a rédigé à sa place. Resté dans l’ombre, un succès en appelant peut-être un autre, ce dernier est prêt à troquer ses rêves de prix littéraires contre une nouvelle vie de luxe et de débauche. Ce qui n’est pas plus glorieux. Mais une jeune blogueuse féroce, qui crie à l’imposture, vient à leur rencontre pour les démasquer. Par tous les moyens, même les moins avouables. Ce trio de paumés magnifiques va se révéler imprévisible jusqu’au bout, car le bellâtre croit à l’amour et les deux intellos ont des heures de sexe en retard : de quoi brouiller leurs logiques respectives. Leur chassé-croisé se teinte de toutes les nuances possibles du comique, entre répliques décalées, exhibitions d’abdo répétées et névroses à deux sous. Un humour de sit-com qui passe avec la même efficacité du loufoque au dévergondé, et du dévergondé au salace. L’auteur appelle les choses par leur nom, surtout question sexe. Ses excès font mouche. Une scène résume l’ambition du livre : la séance de dédicaces qui dérape parce que le faux écrivain, en proie au stress, a confondu ses calmants avec du Viagra. Si l’on accroche à ce genre de rigolade, c’est irrésistible!